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La crise des cautionnements de la flotte a coûté 204 millions

Le Département fédéral de l'économie est resté trop longtemps passif face au problème du cautionnement de la flotte suisse en haute mer (archives). Keystone/EPA/GUILLAUME HORCAJUELO sda-ats

(Keystone-ATS) La crise des cautionnements de la flotte suisse de haute mer a coûté 204 millions de francs à la Confédération. La Délégation des finances des Chambres fédérales a publié mardi ses conclusions. Les cautionnements solidaires devraient être supprimés, selon elle.

Les problèmes de la flotte suisse de haute mer ont commencé en 2008, lorsque la crise financière s’est étendue au secteur maritime. Ce n’est qu’en juin 2015, alors que la crise a pris de l’ampleur, que l’Office fédéral pour l’approvisionnement économique du pays (OFAE) a informé correctement le Département fédéral de l’économie (DEFR) de la situation.

Le dossier a ensuite été pris à bras-le-corps. Le Conseil fédéral n’a plus souhaité cautionner les navires en haute mer. En mai 2017, il a présenté aux Chambres fédérales une facture de 215 millions de francs pour couvrir dans l’urgence le cautionnement de treize bateaux qui ont été vendus en été.

Dans son rapport, consacré à ces ventes, la délégation constate que les pertes ont pu être réduites de 30 à 40 millions de francs grâce à la stratégie adoptée par l’ancien ministre de l’économie Johann Schneider-Ammann. Les sociétés concernés n’ont pas dû être mises en faillite, a relevé la conseillère nationale Margret Kiener Nellen (PS/BE), membre de la délégation, devant la presse.

Procédure préparée

Le processus de vente des navires de la flotte a été bien préparé. Les services impliqués ont créé une situation de concurrence entre les acheteurs. Ils ont concocté un plan B, en plus de la solution privilégiée qui était de vendre les navires en bloc, salue la délégation. Cette manière de faire doit être reconduite à l’avenir, selon elle.

Les pertes auraient toutefois pu être inférieures si des facteurs négatifs n’avaient pas plombé la situation. L’enquête a montré que les navires n’ont pas été vendus au meilleur moment. Mais la marge de manoeuvre concernant la date de la vente était limitée et il n’était pas possible de prédire l’évolution du marché, a indiqué Mme Kiener Nellen.

Autre dégât collatéral dénoncé par la délégation, une fuite d’information en janvier 2017. Un article sur les difficultés économiques des compagnies concernées a eu une incidence négative sur le montant des offres d’achat, chiffré à plusieurs dizaines de millions de francs. Il faut édicter des mesures urgentes contre les indiscrétions, recommande la délégation.

Plus de cautionnement solidaire

La délégation arrive aussi à la conclusion que les dommages subis sont principalement imputables à l’introduction, en 1992, du cautionnement solidaire. Cet instrument est un chèque en blanc, a affirmé la vice-présidente Anita Fetz (PS/BS). La Confédération se porte caution et doit honorer les montants en cas d’insolvabilité.

Cet instrument est l’erreur à l’origine de tous les problèmes qui ont suivi, a ajouté la conseillère aux Etats. Il faut définir sans tarder d’autres moyens pour maintenir et renforcer la flotte suisse de navires de haute mer.

Le Conseil fédéral devrait en outre déterminer si la Suisse doit continuer de disposer d’une flotte battant son propre pavillon, selon le rapport. Il restait à fin 2019 des cautionnements de la Confédération pour 28 bateaux pour un montant de 510 millions de francs.

La délégation attend encore les conclusions des procédures pénales et administratives en cours pour déterminer si nécessaire d’autres mesures. Quant à la prise de position du Conseil fédéral, elle devrait tomber d’ici fin septembre.

Commissions insatisfaites

Les commissions de gestion du Parlement ont elles aussi enquêté sur cette affaire. Elles ont publié en juin 2018 un rapport épinglant l’attitude passive du DEFR ainsi que les manquements de l’Office fédéral de l’approvisionnement économique du pays (OFAE). Des huit recommandations qu’elles ont définies, le Conseil fédéral n’en a suivi que certaines, déplorent-elles.

Il a accepté une nouvelle répartition des tâches pour la direction de l’approvisionnement économique du pays et une organisation de crise en cas de nouvelles sollicitations de cautionnement. Mais il ne s’est pas montré disposé à examiner en détail la structure organisationnelle actuelle de l’OFAE et de sa direction, a regretté la conseillère nationale Yvonne Feri (PS/AG).

En l’absence de règles claires, le risque de problèmes de conduite comme dans la crise des cautionnements pourrait se répéter. Une hiérarchie claire aurait permis, en cas de différends, de mieux gérer la situation.

Enquêtes

Les commissions de gestion regrettent aussi que le Conseil fédéral refuse de désigner une unité compétente pour les enquêtes administratives. Elles estiment en outre que le choix du Contrôle fédéral des finances (CDF) pour réaliser l’enquête n’était pas adéquat. Elles déplorent aussi que celui-ci ne soit “visiblement pas disposé à procéder à une réflexion approfondie sur les critiques exprimées”.

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