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La garde présidentielle turque en voie de dissolution

Le Premier ministre turc Binali Yildirim a annoncé la dissolution de la garde présidentielle (archives). KEYSTONE/AP sda-ats

(Keystone-ATS) Les autorités turques vont dissoudre la garde présidentielle. Presque 300 de ses membres ont été arrêtés à la suite du putsch avorté, a annoncé samedi le Premier ministre Binali Yildirim.

“Il n’y aura plus de garde présidentielle, elle n’a pas de raison d’être, on n’en a pas besoin”, a déclaré M. Yildirim à la chaîne A Haber. Au moins 283 membres de la garde présidentielle, un régiment comptant 2500 hommes, ont été arrêtés après le putsch manqué.

La justice turque a par ailleurs annoncé l’élargissement de 1200 militaires du rang. Cette décision de libération est inédite depuis le début des purges massives après l’échec d’un coup d’Etat qui s’est soldé par 270 morts dont 24 mutins.

Mais, selon les chiffres de l’agence Anadolu, plus de 12’500 gardes à vue ont été prononcées depuis les événements de la nuit du 15 au 16 juillet. Et, selon la même source, 5600 personnes ont été placées en détention, militaires, magistrats et policiers mais aussi des “civils”, professeurs ou fonctionnaires.

Erdogan se distancie de l’Europe

La Turquie a par ailleurs porté à 30 jours la durée des gardes à vue, dissous plus de 2000 institutions, et prévenu l’Europe qu’elle ne faiblirait pas dans sa riposte aux partisans du prédicateur Fethullah Gülen. Ils sont accusés d’être à l’origine du putsch manqué du 15 juillet.

Ce que les responsables européens “disent ne m’intéresse pas et je ne les écoute pas”, a dit le président Recep Tayyip Erdogan dans une interview à la chaîne française France 24.

Enième critique venue de responsables de l’UE, peu après la diffusion de cet entretien samedi, le chef du gouvernement italien reprochait depuis Rome à Ankara de “mettre en prison l’avenir” du pays, où l’état d’urgence a été instauré jeudi pour la première fois en quinze ans.

A la porte de l’UE

Le ministre des Affaires européennes Ömer Celik s’est employé à assurer que l’accord du 20 mars entre Ankara et Bruxelles, qui a permis d’assécher le flux des migrants en route vers l’Union européenne (UE), avait continué à être appliqué “sans accroc” et appelé de ses voeux “un nouvel élan” dans les négociations d’adhésion avec l’UE.

Le président Erdogan s’est montré moins volontariste: “Cela fait 53 ans que l’Europe nous fait attendre à la porte” et “nous n’avons même pas profité des opportunités économiques” offertes par l’UE.

Il a répété que, si le peuple l’exigeait et si le Parlement le votait, il accepterait le rétablissement de la peine de mort, ce qui, de facto, torpillerait le processus d’adhésion.

A ce propos: “la Turquie doit faire preuve de mesure et éviter de rétablir la peine de mort” estime le chef de la diplomatie grecque, Nikos Kotzias, dans une interview à paraître dimanche. Les vainqueurs du conflit intérieur en Turquie doivent se montrer magnanimes envers les vaincus”, a dit le ministre au journal Realnews.

Soutien populaire

Depuis qu’il a retourné la situation en sa faveur, Recep Tayyip Erdogan s’appuie sur la masse de ses partisans, son “cher peuple héroïque”, appelé à descendre dans les rues, soir après soir.

Avant une manifestation qui s’annonce massive dimanche place Taksim à Istanbul, ils sont encore descendus dans les rues vendredi pour crier leur haine de Fethullah Gülen, dont un neveu a été interpellé dans le nord-est de la Turquie et placé et garde à vue.

“On ramènera aussi ce traître (…) de Pennsylvanie”, a dit le ministre des Affaires étrangères Mevlüt Cavusoglu lors d’un de ces rassemblements dans la ville côtière d’Antalya (sud).

Dans un contexte de tensions entre Ankara et Washington, le président Barack Obama a prévenu qu’une éventuelle remise du septuagénaire, exigée par les Turcs, serait traitée conformément à la loi américaine.

Grand ménage

Selon Erdogan, le chef d’Etat major de l’armée Hulusi Akar, resté loyal et pris en otage par les putschistes, s’était vu proposer par ses ravisseurs de s’entretenir au téléphone avec Fethullah Gülen.

Si les autorités sont déterminées à poursuivre le grand ménage dans les services de sécurité, Hakan Fidan, le patron des puissants services de renseignement, le MIT, pris en défaut par le putsch, a pour le moment sauvé sa tête.

Le principal parti prokurde (HDP) a réuni quelques milliers de personnes à Istanbul, pour protester contre le putsch mais aussi contre l’état d’urgence. La garde à vue de 30 jours “revient à une torture en soi”, a lancé samedi le chef de file du parti , Selahattin Demirtas.

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