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La Pologne rappelée à l’ordre par la Commission européenne

Des milliers de personnes protestent depuis dimanche à Varsovie et dénoncent les nouvelles initiatives du parti Droit et Justice (PiS) de Jaroslaw Kaczynski KEYSTONE/AP/ALIK KEPLICZ sda-ats

(Keystone-ATS) La Commission européenne a sommé mercredi le gouvernement polonais de “mettre en suspens” ses nouvelles réformes controversées. Elle a agité la menace de sanctions sans précédent si Varsovie ne mettait pas fin aux “risques clairs” pesant sur l’Etat de droit.

“Ces lois augmentent considérablement les menaces systémiques sur l’Etat de droit. Elles aboutiraient à placer la justice sous le contrôle politique total du gouvernement”, a déclaré Frans Timmermans, premier vice-président de la Commission.

Le Parlement polonais a repris mercredi l’examen du projet de réforme de la Cour suprême, adopté la veille en première lecture par les députés du parti Droit et Justice (PiS, conservateur) et leurs partenaires au sein de la coalition gouvernementale.

Sous tutelle

Le texte propose le remplacement de tous les juges de la Cour suprême, à l’exception ceux qui ont été nommés par le ministre de la Justice. Il a soulevé l’indignation des magistrats, des mouvements de défense des droits de l’homme et des centristes, qui accusent le gouvernement de porter atteinte à la séparation des pouvoirs.

Aux cris de “Lâches !” et de “Honte !”, Les élus de l’opposition ont accusé mercredi le gouvernement de vouloir placer sous sa tutelle la plus haute juridiction du pays. Plusieurs milliers de manifestants ont par ailleurs passé la nuit devant le Parlement pour dénoncer le projet.

Depuis la victoire du PiS aux législatives de 2015, le bureau du procureur a été placé sous contrôle direct du gouvernement. Les capacités de la Cour constitutionnelle à rejeter un projet de loi ont été limitées.

Un autre projet de loi, qui met fin à l’actuel mandat du Conseil national de la magistrature et confie la désignation de 15 de ses 25 membres au Parlement, a été adopté la semaine dernière.

“L’option nucléaire”

La Commission européenne a entamé en janvier une procédure de surveillance du respect de l’état de droit en Pologne. Une nouvelle procédure va probablement être ouverte la semaine prochaine, a poursuivi Frans Timmermans.

“Nous sommes tout proches d’un recours à l’article 7”, a-t-il souligné. Cette disposition du traité européen, considérée comme “l’option nucléaire”, permet de priver un Etat membre de ses droits de vote.

Jusqu’à présent, malgré des réponses “insuffisantes” de Varsovie sur sa réforme du tribunal constitutionnel, Bruxelles n’avait pas voulu utiliser ce dernier recours. Les nouvelles initiatives du gouvernement semblent pouvoir changer la donne.

Une fois déclenché, l’article 7 nécessiterait cependant une unanimité des autres Etats membres pour déboucher sur une suspension des droits de vote de la Pologne. Et la Hongrie, alliée de Varsovie, a déjà prévenu qu’elle s’y opposerait.

“Message politique fort”

“Les nouvelles lois ne sont pas encore officiellement en vigueur. Nous ne pouvons pas encore prendre de décisions formelles, mais nous pouvons envoyer un message politique fort”, a expliqué M. Timmermans.

Outre l’article 7, il a également évoqué la possibilité de lancer dès la semaine prochaine des “procédures d’infractions” contre Varsovie, instrument plus fréquemment utilisé au sein de l’UE quand un pays ne respecte par le droit européen, et qui peuvent mener à des sanctions financières. “Les inquiétudes que nous avons sont largement partagés par les autres Etats membres”, a assuré M. Timmermans.

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