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La reconstitution historique entre passion et critiques

Richard Klimovic manipule la mitrailleuse sur le champ de bataille de Mladejov-Blosdorf (ici lors de la reconstitution de 2016). Michaela Wecker sda-ats

(Keystone-ATS) Les manoeuvres se succèdent, la fumée envahit le champ de bataille; les canons et les cris résonnent. Sales, harassés, blessés pour certains, des centaines de passionnés revivent samedi la bataille de Blosdorf, qui avait opposé Autrichiens et Russes en août 1915.

Ce rassemblement, dans l’ouest de la Tchéquie, n’est que l’une des nombreuses batailles que les Tchèques aiment se remémorer. En été, elles se succèdent tous les week-ends. Les amateurs sont de plus en plus nombreux, notamment en République tchèque et en France.

En Tchéquie, il existe environ 350 clubs d’histoire militaire. Près de 60’000 férus d’histoire, passifs et actifs, se rencontrent pour ces reconstitutions, allant de la période slave aux batailles modernes, selon Richard Klimovic, qui participe à des reconstitutions de l’époque napoléonienne aux deux Guerres mondiales.

Recherche d’historicité

Leur démarche n’est pas approximative, mais au contraire rigoureuse. Les pratiquants l’accompagnent de nombreuses recherches personnelles. Photographies et peintures sont des sources essentielles.

“L’Histoire a une grande importance pour nous”, explique M. Klimovic à l’ats. “Nous nous efforçons d’être au plus proche de la réalité”, abonde sa femme Blanka.

La figure de Napoléon, par exemple, est choisie pour sa ressemblance physique à l’empereur. Il n’en existe que trois, dont l’américain Mark Schneider, tenu pour l’un de ses sosies.

De la tête aux pieds

Pour ces passionnés, pas question de fouler le champ de bataille sans le bon attirail. De la tête aux pieds, les participants doivent porter l’uniforme et l’armement conformes: chaussures, pantalons, vestes et fusils doivent être des répliques exactes de l’ancien temps.

Et gare à ceux qui ne respectent pas les codes. “Ce n’est pas un loisir, mais un style de vie”, sourit M. Klimovic, qui endosse le rôle de vice-président pour la partie russe lors de la reconstitution de la bataille d’Austerlitz (Slavkov u Brna).

De plus, les troupes doivent s’exercer en permanence. “Avant les batailles, nous étudions et exerçons le scénario et la coordination des différents bataillons de toute l’Europe, leurs mouvements”, raconte M. Klimovic. Les commandements sont donnés dans la langue d’origine.

Costumes cousus main

La machine à coudre de sa femme Blanka ne quitte plus sa table de travail. “Acheter des uniformes de qualité auprès de fabricants ou de couturières spécialisées coûte très cher. La plupart d’entre nous les cousent eux-mêmes”, explique-t-elle.

“Nous voulons des copies d’originaux. Et nous nous efforçons de choisir des étoffes d’époque: laine, lin, coton selon les époques, ou encore le damas, importé en Europe depuis le Moyen-Âge”, précise Blanka Klimovic. Quand elle part à la chasse aux tissus, elle est toujours attentive à respecter les codes vestimentaires.

Mauvais souvenirs

Malgré ces recherches d’historicités, la pratique a aussi ses détracteurs. Elle pose problème surtout pour les périodes de l’histoire récente et dans les pays qui ont vécu la guerre et où le sang a coulé, explique Bruno Poggi-Aklil, en charge de l’association suisse MOB Romande qui a participé à différentes reconstitutions en Europe.

“Il y a toujours une référence à un père, un grand-père qui a combattu lors de la Première ou de la Deuxième Guerre mondiale. La reconstitution évoque de mauvais souvenirs”, raconte-t-il.

Plus on s’éloigne de l’Histoire récente, plus les reconstitutions sont acceptées. Les gens sont plutôt favorables aux reconstitutions de l’histoire napoléonienne par exemple. “Il n’y a plus de mémoire collective”, précise M. Poggi-Aklil.

“Bien nourris”

Lui-même est critique envers les participants à la bataille d’Austerlitz notamment. “On voit que les soldats sont tous bien nourris”, contrairement à ceux de l’époque. Et pour coller à la réalité, leur taille ne devrait pas excéder 160 cm, selon lui.

Les critiques des conservateurs, des historiens et des archéologues sont toutefois de moins en moins fréquentes, estime Christophe Dargère, président de l’Association pour l’histoire vivante en France. Ils pratiquent, ou ont pratiqué, la reconstitution.

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