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La Russie visée à l’ONU pour un possible crime de guerre en Syrie

La Commission d'enquête indépendante sur la Syrie présidée par Paulo Sergio Pinheiro attribue à nouveau de nombreux crimes de guerre contre plusieurs parties au conflit syrien (archives). KEYSTONE/JEAN-CHRISTOPHE BOTT sda-ats

(Keystone-ATS) L’aviation russe est responsable d’actes qui peuvent équivaloir à un crime de guerre l’été dernier dans le nord-ouest de la Syrie. Lundi à Genève, la Commission d’enquête indépendante de l’ONU a relevé que des enfants sont décédés de froid récemment près d’Idleb.

Le conflit “est loin de se terminer” et les violations continuent de “se multiplier”, a déploré devant la presse son président Paulo Sergio Pinheiro. Selon les trois enquêteurs, “des indications raisonnables” laissent penser que l’aviation russe a mené des bombardements qui ont visé sans discrimination les civils.

A aucun moment, elle n’a ciblé des infrastructures militaires, relève la Commission dans son nouveau rapport publié lundi sur la période de juillet à mi-janvier dernier.

Ces deux attaques avaient été perpétrées à Maarat al-Numan et dans la région d’Idleb où les forces russes soutiennent toujours le gouvernement contre les terroristes et le camp pro-turc. Malgré le démenti russe d’une présence de ses avions dans la première offensive, la Commission a des indications qui lui laissent penser à ces possibles crimes de guerre.

Ces deux raids avaient fait au total 63 victimes civiles. Dans la même région, aussi bien les forces pro-gouvernementales que les terroristes d’Hayat Tahrir al-Sham sont également visés pour de possibles crimes de guerre. Les premières pour avoir ciblé des centres de santé et du personnel et les seconds pour avoir mené des exécutions extrajudiciaires. Des civils ont été forcés de fuir dans la région.

Dans les zones contrôlées par les Forces démocratiques syriennes (FDS) après la lutte contre l’Etat islamique (EI), les Kurdes sont désormais résolus à juger les ressortissants étrangers associés au groupe terroriste face à l’inaction de leurs pays d’origine, dont la Suisse, qui refusent de les reprendre.

Appel à davantage d’assistance à Idleb

La Commission a aussi toujours appelé à rapatrier ces personnes. Depuis plusieurs mois, des représentants politiques kurdes ont participé à au moins deux réunions avec plusieurs acteurs sur cette question. Selon plusieurs sources concordantes, les autorités suisses étaient présentes.

L’offensive pro-turque après le retrait américain des zones contrôlées par les Kurdes dans le nord du pays a également fait l’objet d’exactions. L’Armée nationale syrienne (ANS), proche d’Ankara, a perpétré, selon la Commission, de possibles crimes de guerre comme des pillages, des meurtres ou des prises d’otages.

Les enquêteurs posent aussi la question de la responsabilité de la Turquie pour ces actes. Ce pays aurait dû “au moins” mener des investigations et empêcher de nouvelles exactions des milices qui lui sont affiliées, a relevé un membre de la Commission, Hanny Megally.

Certains soldats de l’ANS ont été acheminés désormais en Libye pour soutenir le gouvernement d’union nationale (GNA), reconnu par la communauté internationale, face aux unités du maréchal Khalifa Haftar, proche de la Russie. Mais comme le mandat de la Commission se limite au conflit syrien, M. Pinheiro n’a pu s’exprimer sur ces déplacements.

Dans la région d’Idleb, les violences se poursuivent et elles ont déplacé ces dernières semaines plus de 900’000 personnes. Il est “scandaleux” que la communauté internationale ne puisse pas leur venir en aide alors que la situation devient “une crise humanitaire importante”, explique M. Pinheiro. Plusieurs enfants sont décédés de froid, a ajouté M. Megally. Depuis plusieurs semaines, la Commission appelle à davantage d’accès humanitaire et de soins pour ces nombreux déplacés.

Syrie visée par la Turquie

Après le décès de dizaines de ses soldats récemment, la Turquie a annoncé dimanche qu’elle avait lancé une offensive contre le régime de Bachar al-Assad dans cette zone. Deux avions ont été abattus et une vingtaine de militaires syriens ont été tués. Selon M. Megally, la Turquie “a tenté d’être très prudente” dans ses objectifs militaires ces dernières semaines.

En plusieurs années, la Commission a reçu au total environ 200 demandes de collaboration de juridictions nationales. Elle continue encore d’actualiser la liste confidentielle des individus responsables de crimes contre l’humanité et crimes de guerre, qui est conservée en lieu sûr à Genève.

Dans son rapport, elle répète la plupart de ses recommandations. Notamment la demande à chacune des parties de mener des investigations sur toutes les violations présumées dont elle serait responsable. Les violences en Syrie ont fait en près de 9 ans des centaines de milliers de victimes, selon l’ONU.

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