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La victoire de l’AKP en Turquie rassure la Bourse et inquiète l’opposition

(Keystone-ATS) Les marchés financiers en quête de stabilité ont salué la victoire du parti du président turc Recep Tayyip Erdogan lors des législatives. Les premières discussions sur la formation d’un gouvernement entièrement aux couleurs de l’AKP devaient débuter dans la journée.

Le Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur) s’est largement imposé en raflant 49,4% des suffrages et une majorité absolue de 316 des 550 sièges du parlement. Cinq mois à peine après le revers retentissant concédé lors du scrutin du 7 juin, ce succès constitue une revanche éclatante pour M. Erdogan.

Derrière l’AKP, le Parti républicain du peuple est arrivé dimanche deuxième avec 25,4% des voix et 134 sièges, devant le Parti de l’action nationaliste avec 12% et 41 sièges, en fort recul. Entré triomphalement au parlement en juin, le Parti démocratique des peuples (HDP, prokurde) n’a sauvé sa place que de justesse. Avec 10,7% des voix, il a décroché 59 sièges.

L’homme fort du pays a célébré son succès lundi matin par une prière à la mosquée d’Eyup, comme le faisaient les nouveaux sultans de l’Empire ottoman. “La volonté de la nation s’est exprimée en faveur de la stabilité (…), j’ai toujours dit ‘une nation, un drapeau, un pays, un Etat'”, s’est-il réjoui.

Désir de stabilité

Le chef de l’Etat s’est permis de sermonner les critiques, notamment celles de la presse internationale, en les pressant de respecter le verdict des urnes. “Mais je n’ai pas constaté (chez eux) une telle maturité”, a asséné M. Erdogan.

Son succès a été unanimement accueilli comme l’expression du désir de stabilité des électeurs turcs. Depuis la fin de l’été, le pays est confronté à la reprise du conflit kurde et à la menace djihadiste.

Pendant toute la campagne, le président et son Premier ministre Ahmet Davutoglu se sont posés en seuls garants de la sécurité et de l’unité du pays. Les deux dirigeants ont agité le spectre du “chaos” en cas d’absence de majorité absolue d’un seul parti.

Courtiers rassurés

Ces élections “ont montré le succès de la stratégie d’Erdogan, qui a retenté sa chance dans les urnes, pris des risques pour le pays et fait passer sa priorité de l’économie à la sécurité”, a résumé lundi un éditorialiste dans les colonnes du Hürriyet Daily News.

Sans surprise, les investisseurs se sont réjouis lundi matin du retour annoncé au “gouvernement d’un seul parti” à la tête de la Turquie. La Bourse d’Istanbul a ouvert sur une hausse de plus de 5%. La livre turque enregistrait un sursaut de plus de 4% face au dollar et l’euro. La monnaie locale avait perdu plus de 20% de sa valeur depuis le début de l’année.

De son côté, l’Union européenne s’est engagée à travailler avec le futur gouvernement turc, quand bien même Bruxelles attend maintenant les premières conclusions des observateurs internationaux.

L’opposition s’est inquiétée, elle, de ce retour en force de M. Erdogan, régulièrement épinglé pour ses dérives autoritaires. “C’est la victoire de la peur”, titrait le quotidien Cumhuriyet. “Personne ne doit se considérer au-dessus des lois”, a mis en garde dès dimanche soir le chef du parti républicain du peuple, Kemal Kiliçdaroglu.

Contexte particulier

“Il est fort probable que la Turquie devienne maintenant encore plus autoritaire en termes de liberté de la presse et de respect du droit”, a estimé Natalie Martin, spécialiste de la Turquie à l’université Trent de Nottingham, en Grande-Bretagne.

L’observateur pour le compte du Conseil de l’Europe Andreas Gross (PS/ZH) a critiqué le scrutin de dimanche. Certes, les électeurs turcs pouvaient choisir entre différents parti, a d’abord déclaré le conseiller national sur les ondes de la radio allemande Kultur.

M. Gross a néanmoins pointé du doigt le contexte tendu depuis le premier scrutin en juin. Des journalistes ont été intimidés, des journaux et des chaînes de télévision ont dû fermer. Ces événements ont conduit à une forme d’autocensure, alors que la violence a entravé la campagne électorale, a souligné le politologue suisse.

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