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Le cinéaste ukrainien emprisonné Oleg Sentsov cesse sa grève de la faim

Des ONG, des pays du G7 et de nombreuses personnalités du monde culturel ont appelé à la libération d'Oleg Sentsov (archives). KEYSTONE/AP/CHRISTOPHE ENA sda-ats

(Keystone-ATS) Le cinéaste ukrainien Oleg Sentsov, emprisonné en Russie, a annoncé vendredi arrêter sa grève de la faim. Il a dit vouloir éviter d’être nourri de force après plus de quatre mois de jeûne et une mobilisation internationale pour sa libération.

“Je suis forcé de mettre un terme à ma grève de la faim demain, c’est-à-dire le 6 octobre 2018”, a fait savoir le réalisateur de 42 ans originaire de la péninsule ukrainienne annexée de Crimée, dans une lettre manuscrite remise à la presse.

“En raison de mon état de santé critique et de l’apparition de changements pathologiques dans mes organes, il était prévu prochainement de me nourrir de force”, explique Oleg Sentsov. Le cinéaste est emprisonné dans la colonie pénitentiaire de Labytnangui, au-delà du cercle polaire arctique.

“Un corps brisé”

Les dernières photos du cinéaste, publiées fin septembre, montrait le réalisateur extrêmement amaigri et manifestement affaibli. “Mon opinion n’est plus prise en compte”, poursuit dans sa lettre celui qui refusait de s’alimenter depuis le 14 mai dernier, demandant la libération de tous les “prisonniers politiques ukrainiens” en Russie.

Arrêté chez lui en mai 2014, ce père de deux enfants a été condamné en août 2015 à 20 ans de prison pour “terrorisme” et “trafic d’armes”, à l’issue d’un procès qualifié de “stalinien” par l’ONG Amnesty International.

Après “145 jours de lutte, 20 kilos en moins et un corps brisé”, “l’objectif n’est pas atteint”, déplore le cinéaste ukrainien dans sa lettre. “Je suis reconnaissant à tous ceux qui m’ont soutenu et demande pardon à ceux que je laisse tomber”, conclut Oleg Sentsov, terminant son message par “Gloire à l’Ukraine!”

Sortie “compliquée et effrayante”

Vendredi matin, le service pénitentiaire russe avait annoncé la fin de la grève d’Oleg Sentsov. Il avait précisé que “les meilleurs nutritionnistes de Moscou ont mis au point un programme pour l’aider à ingérer progressivement des aliments solides”.

La déléguée aux droits de l’Homme auprès du Kremlin, Tatiana Moskalkova, s’est réjouie de cette décision. “Je lui avais dit plus d’une fois qu’il existe beaucoup d’autres moyens civilisés pour faire valoir ses droits”, a-t-elle assuré, citée par l’agence russe Tass.

La représentante ukrainienne pour les droits de l’Homme, Lioudmila Denissova, a pour sa part demandé aux autorités russes de rencontrer immédiatement Oleg Sentsov. Elle a affirmé que cette sortie rapide était “encore plus compliquée et effrayante” que la grève de la faim en elle-même.

La militante et journaliste Zoïa Svetova a elle rappelé le cas du dissident soviétique Anatoli Martchenko, qui était mort près de deux semaines après avoir arrêté une grève de la faim en 1986. “J’espère que la médecine d’aujourd’hui est meilleure qu’à l’époque soviétique et qu’on ne le laissera pas mourir”, a affirmé Mme Svetova, qui avait pu rencontrer M. Sentsov en août dernier.

Refus d’une grâce présidentielle

Qualifié de “kamikaze ukrainien” par son avocat, qui le disait “prêt à mourir”, le réalisateur avait toutefois consenti cet été à prendre des compléments alimentaires destinés habituellement aux malades incapables de se nourrir. Les pays du G7 ainsi que de nombreuses personnalités du monde culturel ont appelé à la libération d’Oleg Sentsov.

Malgré les déclarations alarmistes de ses proches concernant la dégradation de son état de santé, le Kremlin a répété à plusieurs reprises qu’une grâce présidentielle ne pouvait être accordée qu’à la demande du prisonnier. Oleg Sentsov refuse cependant de faire cette demande.

La Russie et l’Ukraine sont à couteaux tirés depuis l’arrivée au pouvoir en 2014 de pro-occidentaux à Kiev, suivie de l’annexion de la Crimée par Moscou et d’un conflit armé dans l’est séparatiste prorusse du pays. Ce dernier a fait plus de 10’000 morts.

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