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Le Conseil fédéral relâche la pression sur les actions au porteur

Afin de préserver la réputation de la place économique suisse, le Conseil fédéral propose au Parlement d'abolir la plus grande partie des actions au porteur, mais il a prévu des exceptions après le tollé suscité en consultation (archives). KEYSTONE/GAETAN BALLY sda-ats

(Keystone-ATS) Les détenteurs d’actions au porteur ne devront pas forcément les convertir en actions nominatives. Face à une levée de boucliers en consultation, le Conseil fédéral a adouci le projet qui doit éviter à la Suisse d’atterrir sur une liste noire internationale.

La balle passe dans le camp du Parlement. Selon le gouvernement, le message publié jeudi contient des mesures indispensables pour mettre en oeuvre les recommandations du Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales.

Malgré l’accueil critique, le Conseil fédéral a donc décidé mercredi de maintenir la conversion des actions au porteurs en actions nominatives et un système de sanctions en cas de violations des obligations. La Suisse ne recevra sinon pas une note suffisante lors de son prochain examen par les pairs du Forum mondial qui commence à la fin de cette année, avertit-il.

Titres intermédiés

Accusé d’excès de zèle par la droite, le gouvernement offre toutefois une échappatoire pour les actions au porteur. Au lieu de les transformer en actions nominatives, les sociétés ayant des titres de participation cotés en Bourse pourront les garder sous forme de titres intermédiés.

La conversion des actions au porteur prévue pour les autres entreprises n’interviendra pas automatiquement à la date d’entrée en vigueur de la loi. Le message prévoit un délai de 18 mois.

Les sociétés devront tenir une liste des ayants droit économiques qui lui ont été annoncés comportant leur nom, prénom et adresse. Des amendes sont prévues en cas de violation des obligations.

Actionnaires protégés

Les actionnaires n’auront pas que 18 mois pour réparer une omission de s’annoncer comme tels à la société. Après la conversion de leurs actions au porteur en actions nominatives, ils pourront demander à un tribunal, dans les cinq ans suivant l’entrée en vigueur du nouveau droit, leur inscription au registre des actions de la société.

Ceux qui ne le feront pas verront leurs actions détruites seulement au bout de ces cinq ans et après décision d’un tribunal rendue sur demande de la société. Le Conseil fédéral estime ce délai “confortable”.

Les entités juridiques dont le siège principal se trouve à l’étranger mais qui ont leur administration effective en Suisse devront tenir une liste de leur détenteurs au lieu de cette administration.

Pas de compte en Suisse

Le Conseil fédéral renonce en revanche à deux points décriés. Les sociétés ne seront pas obligées de disposer d’un compte auprès d’une banque suisse, afin de lutter contre le blanchiment d’argent. Les intermédiaires financiers ne seront pas habilités à consulter les listes des actionnaires et des ayants droit tenues par les sociétés.

Ces deux mesures de surveillance ne répondent pas entièrement aux exigences du Forum mondial, reconnaît le gouvernement. A la place, l’Administration fédérale des contributions vérifiera l’existence des listes.

Données volées

Le projet doit aussi régler la polémique sur l’assistance administrative accordée à des demandes reposant sur des données volées. Actuellement, la loi l’interdit si la demande “viole le principe de la bonne foi, notamment lorsqu’elle se fonde sur des renseignements obtenus par des actes punissables au regard du droit suisse”.

Le Conseil fédéral propose de supprimer la deuxième partie de la phrase pour éviter des confusions, même si c’est surtout l’interprétation faite par le Tribunal fédéral qui compte. Or, celui-ci a déjà tranché dans le sens du droit international public en estimant qu’un Etat ayant acheté des données bancaires pour fonder une demande violait la bonne foi, mais que ce n’était pas le cas en cas d’utilisation des mêmes données par un Etat tiers.

Le Conseil fédéral espère une entrée en vigueur d’ici octobre 2019. Mais la discussion s’annonce animée au Parlement. Le Royaume-Uni, Singapour, Hong Kong ou encore la Belgique et l’Autriche ont déjà aboli les actions au porteur. Les Chambres avaient déjà revu le cadre de ces titres en 2015.

Mais en été 2016, le Forum mondial a formulé des recommandations concernant l’échange de renseignements et la transparence des personnes morales. Cet organisme dont la Suisse fait partie depuis 2009 est une émanation de l’OCDE regroupant 125 Etats et oeuvrant à l’application des normes de transparence et d’échange de renseignements dans le domaine fiscal.

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