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Le droit des femmes à avorter régresse en Europe

"L'avortement doit être légal à la demande d'une femme en début de grossesse et jusqu'à son terme si cela peut protéger sa vie ou si elle risque d'être maltraitée", selon le rapport du Conseil de l'Europe (image symbolique). KEYSTONE/AP/SILVIA IZQUIERDO sda-ats

(Keystone-ATS) Des “restrictions rétrogrades” ont entraîné un recul des droits des femmes en matière d’accès à la contraception et à l’avortement en Europe, estime mardi le Conseil de l’Europe. L’organisation publie un rapport ainsi qu’une série de recommandations aux États membres.

“Ces dernières années, des menaces résurgentes pour la santé et les droits sexuels et reproductifs des femmes ont émergé en Europe”, souligne Nils Muiznieks, le commissaire aux droits de l’Homme, dans ce rapport.

Le texte épingle pêle-mêle l’Arménie, la Géorgie, la Macédoine, la Russie et la Slovaquie qui ont adopté récemment “des mesures renforçant les critères à remplir pour les femmes afin d’avoir accès à l’avortement”. Le document rappelle aussi qu’en Pologne, “une loi a réintroduit l’obligation d’obtenir une prescription médicale pour accéder à un moyen de contraception d’urgence”.

“Ces procédures entraînent beaucoup de souffrance chez les femmes (…) elles relèvent du droit à la vie, à la vie privée, à la santé, à la liberté de prendre ses propres décisions”, souligne le commissaire letton.

“Obstacles importants”

Outre la Pologne, le document pointe également des juridictions en Irlande du Nord, Irlande, Andorre, au Liechtenstein, à Malte, Monaco, et San Marin pour leur législation “hautement restrictive” en matière d’accès à l’avortement, qui n’est souvent autorisé qu’en cas de risque pour la vie de la mère ou de viol.

Dans la plupart de ces juridictions, des peines de prison – jusqu’à la perpétuité en Irlande du Nord – sont prévues pour les femmes ne respectant pas la loi, rappelle le rapport. “Mais même dans les pays où la loi est moins restrictive, les femmes doivent parfois faire face à des obstacles importants”, relève M. Muiznieks.

En Italie, sept professionnels de santé sur dix refusent d’autoriser un avortement, invoquant une clause de conscience, souligne le rapport. En Turquie, une femme mariée doit obtenir le consentement de son époux pour avorter.

L’autorisation d’un tiers

Il est de “la responsabilité de l’État de s’assurer qu’un autre moyen d’accès à l’avortement est possible”, estime le commissaire.

“L’avortement doit être légal à la demande d’une femme en début de grossesse et jusqu’à son terme si cela peut protéger sa vie ou si elle risque d’être maltraitée”, ajoute M. Muiznieks. Ce dernier juge “essentiel de supprimer la nécessité d’autorisation par un tiers”.

Si les quatre cinquièmes des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe ont légalisé l’interruption volontaire de grossesse, dont 36 sans restrictions quant aux raisons invoquées par la femme, huit l’interdisent toujours, sauf circonstances exceptionnelles telles que mise en danger de la vie de la mère : Andorre, l’Irlande, le Liechtenstein, Malte, Monaco, l’Irlande du Nord, la Pologne et Saint-Marin.

“Les conséquences de ces lois sur la santé et les droits de l’homme sont graves”, estime Nils Muiznieks qui évoque les voyages à l’étranger, les avortements clandestins et la crainte du tribunal qui peut les dissuader de se faire soigner en cas de complications.

Contraception visée

La contraception elle-même n’est pas encore un droit dans tous les pays, faute d’information ou de moyens financiers là où elle n’est pas remboursée, juge-t-il.

“Dans quelques pays européens, tels que l’Albanie, l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Bosnie-Herzégovine, le taux de femmes utilisant un moyen de contraception moderne est parmi les plus bas du monde”, note le commissaire.

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