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Le Kunsthaus de Zurich dans l’ambiance du Salon parisien

Au Salon parisien, les différents courants artistiques étaient mélangés. KEYSTONE/AP KEYSTONE/WALTER BIERI sda-ats

(Keystone-ATS) Dans le domaine de l’art, les stars d’une époque ne sont pas forcément des stars de toujours. Dans sa nouvelle exposition “Acclamée et brocardée. La peinture française 1820-1880”, le Kunsthaus de Zurich revient sur les polarisations des styles au 19e siècle en France.

Jamais le tableau d’un artiste vivant n’avait atteint un prix de vente aussi élevé. Un Monet, un Cézanne? Non. Il est question du tableau d’Ernest Meissonier “Campagne de France 1814”, peint en 1864 et vendu pour 850’000 francs en 1890.

D’une minutie extrême et aux détails recherchés, cette peinture historique, exposée à Zurich, crée la sensation au Salon parisien de 1864. Meissonier était une star à son époque, éclipsant d’autres noms comme Monet, Manet ou encore Pissarro.

Aujourd’hui, les rôles se sont inversés. Les oeuvres de Monet sont des valeurs sûres pour attirer le public, si bien qu’elles risquent de se ternir à force d’être exposées, craint le directeur du Kunsthaus Christoph Becker dans l’introduction du catalogue d’exposition.

Delacroix versus Ingres

La nouvelle présentation du Kunsthaus se penche sur cette époque de la peinture française où cohabitent les artistes classiques et les premiers peintres osant se détacher des règles strictes imposées par l’Académie. Le Salon est alors la plate-forme officielle d’exposition des artistes.

La période s’étend de 1820, alors que Delacroix fait ses débuts au Salon, défiant pour la première fois le style néo-classique incarné par un Ingres, à 1880, la fin de l’ère du Salon organisé par les pouvoirs publics.

“Une grande pagaille”

Le visiteur est accueilli par un espace “Salon”. Une reproduction d’un tableau illustrant une scène de la fameuse exposition agrandie à taille humaine lui permet de se projeter dans l’ambiance de l’époque, avec des milliers de tableaux exposés du sol au plafond.

“C’était une grande pagaille, une cacophonie”, souligne Christoph Becker lors de la présentation de l’exposition jeudi. “Les critiques d’art jouaient un rôle infiniment important et les oeuvres étaient vivement discutées”.

Mais rien de tout cela dans l’exposition zurichoise. Les oeuvres y sont exposées alignées à hauteur des yeux et réparties en trois chapitres sur fond bleu, blanc et rouge.

Tous les courants se côtoient

Le premier rassemble les tableaux historiques ou de genre, racontant des histoires. Le second est consacré aux motifs pour lesquels une pose a été nécessaire, soit des nus, des portraits ou des natures mortes. Le troisième rassemble les paysages.

A l’intérieur d’une catégorie, on retrouve les différents courants artistiques de l’époque. Par exemple, “Usines près du plateau du Cengle” (1867-1869) de Paul Cézanne, un des premiers tableaux de thématique moderne industrielle, côtoie les figures mythologiques d'”Orphée ramenant Eurydice des Enfers” (1861), de Camille Corot.

“Les différents courants de l’art – comme le romantisme, le naturalisme ou le réalisme – sont rarement exposés ensemble”, souligne la curatrice de l’exposition Sandra Gianfreda. “Au Salon en revanche, ils étaient mélangés”.

Plus de cent oeuvres

Ces juxtapositions mettent en évidence les différences et les points communs entre les styles qui polarisaient à Paris au 19e siècle. Avec plus d’une centaine d’oeuvres réunies de 57 artistes, l’exercice proposé par le Kunsthaus est remarquable et complet, même si l’on est loin des milliers d’oeuvres présentées au Salon.

Se pose également la question de savoir qui décide si l’art est de qualité ou non. Outre une discussion organisée le 23 novembre, le Kunsthaus invite les visiteurs à se mettre dans la peau du jury du Salon en votant pour leurs trois oeuvres préférées de l’exposition. Le classement des médailles sera régulièrement actualisé et publié sur le site Internet de l’événement, qui est visible jusqu’au 28 janvier.

www.kunsthaus.ch

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