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Le Musée sur l’islam à La Chaux-de-Fonds sera apolitique

Ce musée, dont la création a nécessité 16 ans d'efforts, est un lieu de dialogue, explique sa directrice Nadia Karmous. KEYSTONE/STEFAN MEYER sda-ats

(Keystone-ATS) Les craintes envers le Musée des Civilisations de l’Islam (MUCIVI) à La Chaux-de-Fonds montrent plus que jamais la nécessité de ce lieu, estiment ses créateurs à une semaine de l’inauguration. Apolitique, il est consacré à la réflexion et au dialogue.

Le directeur scientifique Khaldoun Dia-Eddine souligne que tout citoyen doit agir pour l’intégration et contre l’intégrisme. “Il faut pour cela se connaître soi-même et connaître l’autre”: ce musée peut aider, a-t-il argumenté vendredi devant la presse.

Des courants de l’islam seront évoqués en présentant tel savant ou tel événement historique. Mais le musée ne prendra pas position politiquement au sujet des conflits, assure Khaldoun Dia-Eddine. Pas question non plus de commenter l’Etat islamique.

Les créateurs du musée ne voulaient pas créer de crispation au sein de la population, a dit le muséologue du MUCIVI Olivier Schinz, qui travaille aussi au Musée d’ethnologie de Neuchâtel. Mais cette crispation “montre justement l’urgence d’un tel projet”.

Indépendance

Ce n’est pas le lieu de fermeture et de dogme que certains veulent dépeindre, mais un lieu d’ouverture et de raison, dit-il. Et d’ajouter qu’en professionnel expérimenté, il n’accepterait pas un mandat où il ne serait qu’une potiche servant à imposer une vision.

Les donateurs n’ont aucune contrepartie et n’interviennent pas dans le contenu, confirme Nadia Karmous, directrice du musée. Ce ne sont pas des Etats, mais des dames fortunées des pays du Golfe et de Suisse, devenues ses amies, et qui se sont intéressées à son projet.

“Ont accepté d’être citées”: Ghanima et Sarra Al Marzouq (Koweit), Bouthaina AbdalGhani, Haya Hawlan (Qatar), lit-on dans le dossier de presse. S’y ajoutent des groupes caritatifs comme Qatar Charity, Zakat House, Bin Abdullah et International Islamic Charitable Society, provenant des mêmes pays.

L’Institut Culturel Musulman de Suisse (ICMS), présidé par Mme Karmous, a acheté le bâtiment en 1999 pour 750’000 francs. La réalisation du musée a coûté 4 millions, au terme de 16 ans de travail et de recherche de fonds. Il y a des réserves pour tenir une année ou deux, précise sa directrice.

“Pas des terroristes”

Cette dernière ne veut pas demander d’argent au canton ni à la ville, pour éviter de susciter des critiques. Quant aux entreprises suisses sollicitées, elles ont répondu poliment mais négativement.

Pour financer durablement le musée, l’ICMS a créé la Fondation d’oeuvres à rayonnement socioculturelles. Celle-ci a acquis un terrain juste à côté pour construire un complexe immobilier devisé à 22 millions, mais qui doit encore trouver son financement: surface commerciale, 57 logements (ouverts à tous) et piscine privée.

Les liens entre le mari de Nadia Karmous et les Frères musulmans, évoqués par des opposants au musée? Un fantasme, répond-elle.

“Ce musée ne cache pas des armées de terroristes ni des écoles intégristes”, affirme Olivier Schinz. Celui-ci s’exaspère de voir ces polémiques se développer sur des fantasmes et non des faits. Il conseille à chacun de venir sur place se faire sa propre idée.

Histoire et sciences

Le MUCIVI est dans un bâtiment art nouveau, une ancienne fabrique horlogère. Sur les murs extérieurs: cinq femmes sculptées, allégories des cinq continents. Les créateurs du musée y voient un symbole de sa vocation d’ouverture.

Si le musée est à La Chaux-de-Fonds, c’est parce que l’édifice semblait destiné à l’accueillir, explique Nadia Karmous. C’est aussi parce que le canton de Neuchâtel et cette ville sont très ouverts aux autres cultures. Et les prix immobiliers sont attractifs.

Le visiteur parcourt 6 salles avec un audioguide (français, allemand, anglais, arabe) dans des univers sonores et lumineux modernes. Il découvre les civilisations de l’islam au fil des siècles: leur diversité et leurs apports, notamment scientifiques, moins connues que celles des Grecs, des Chinois ou des Egyptiens.

Le musée vise à susciter la curiosité et non à éduquer. Des sujets plus actuels, comme la présence des musulmans dans les sociétés occidentales, seront abordés dans des expos temporaires.

Le public est invité à découvrir les lieux à l’occasion d’un week-end festif les 28-29 mai. Rencontres, ateliers, contes, calligraphie et spectacle de danse sont proposés aux visiteurs.

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