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Le National vide un peu plus de sa substance le contre-projet

(Keystone-ATS) La Suisse doit avoir une loi sur la protection de l’environnement la moins restrictive possible pour l’économie. C’est vers cette solution que s’est dirigé jeudi le National lors du débat sur le contre-projet à l’initiative “Pour une économie verte”.

L’initiative des Verts demande que la Suisse réduise son empreinte écologique à une seule planète au lieu de trois d’ici 2050. Le gouvernement propose plutôt une série de mesures échelonnées dans le temps pour améliorer l’utilisation des ressources naturelles.

Lors du débat au Conseil des Etats, les sénateurs ont largement réduit la portée du contre-projet indirect invoquant les charges supplémentaires pour les entreprises. Au National, les orateurs de droite ont poursuivi sur la même lancée.

En prévoyant des objectifs quantitatifs, des mesures sur la traçabilité ou des collectes obligatoires, on se dirige vers une économie planifiée, a critiqué Christian Wasserfallen (PLR/BE). “Nous nous demandons si ce n’est pas un monstre bureaucratique que l’on veut créer”, a renchéri Hans Grunder (PBD/BE).

Pas de planète B

Le camp rose-vert a beau eu insister sur le changement de paradigme auquel fait face la Suisse: “Aujourd’hui, nous n’avons plus seulement un problème de pollution mais un problème de surconsommation des ressources, et c’est un problème qu’il faut intégrer dans la loi”, a rétorqué Adèle Thorens (Verts/VD) pour la commission.

Si on n’écoutait que l’économie, il n’y aurait pas de règles en matière environnementale, a lancé la conseillère fédérale Doris Leuthard. Selon elle, il est temps de passer à une économie circulaire. Que l’on ait affaire à l’eau, les sols ou l’air, il faut gérer la croissance de la planète avec des ressources limitées. “Nous n’avons pas de planète B”, a renchéri Anne Mahrer (Verts/GE).

Mais rien n’y a fait. Dans un premier lot de votations, le National a systématiquement rejeté toutes les dispositions prévues par le Conseil fédéral pour gérer plus efficacement les ressources.

Envoi d’inspecteurs à l’étranger?

La Suisse ne devra ainsi pas prendre en compte les nuisances causées à l’étranger, ont décidé les députés par 95 voix contre 93. Un tel principe serait difficile à mettre en oeuvre. “Faudra-t-il envoyer des inspecteurs à l’étranger pour vérifier l’utilisation efficace des ressources?”, s’est demandé Peter Schilliger (PLR/LU). Pour Adèle Thorens, un tel rejet est regrettable, sachant que “70% de notre impact a lieu à l’étranger”. C’est la porte ouverte à l'”écodumping”.

Le principe de subsidiarité a été souligné. Une majorité (97 contre 91 et 5 abstentions) a suivi une proposition de Christian Wasserfallen (PLR/BE). Pour lui, il est essentiel de privilégier les mesures volontaires et les accords de branche plutôt que l’intervention de l’Etat dans le domaine de la gestion durable des ressources.

La conseillère fédérale Doris Leuthard a eu beau répliquer que ce principe de subsidiarité de portée générale dans cette loi serait contraire à la norme constitutionnelle. La loi prévoit déjà en cascade des mesures volontaires, des conventions avec entreprises et en dernier ressort des prescriptions contraignantes.

La Confédération en restera à un rôle très modeste en matière d’information. Elle peut fixer avec le concours des milieux économiques des objectifs en matière de collecte, mais seulement en tenant compte de l’impact économique.

En matière de recyclage, la majorité de droite l’a à nouveau emporté afin que cela reste financièrement supportable pour l’économie, techniquement faisable et si les conditions d’exploitation le permettent, selon une proposition de Hans Grunder (PBD/BE). Exit aussi la définition de produits méritant une valorisation, qui a sa place dans une ordonnance.

Un tigre de papier?

Quant aux sites d’incinération, il faut en rester au droit existant. “Absurde”, s’est insurgée en vain Isabelle Chevalley (PVL/VD) pour qui les surcapacités dans la région lémanique où l’on importe des déchets de l’étranger démontrent la nécessité d’une coordination nationale.

Le débat a été suspendu et se poursuivra lundi. Au rythme des amendements visant à vider le contre-projet de sa substance, il n’est pas impossible que le tout passe à la trappe au vote final. “Si on insiste tellement sur les mesures uniquement volontaires, on peut se demander si ça vaut encore la peine de soutenir la révision”, a lancé Eric Nussbaumer (PS/BL) ajoutant: “Le monstre bureaucratique n’est-il plus qu’un tigre de papier?”

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