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Le Parlement thurgovien maintient le français à l’école primaire

Le vote de mercredi clôt une controverse que le Grand Conseil thurgovien avait déclenchée en été 2014 à travers une motion, la majorité des députés estimant que les élèves de primaire étaient dépassés par l'enseignement précoce du français et surchargés en général (photo symbolique). KEYSTONE/GAETAN BALLY sda-ats

(Keystone-ATS) Coup de théâtre en Thurgovie: le français est maintenu à l’école primaire. Le Grand Conseil a finalement décidé mercredi matin, par 62 voix contre 60, de biffer une modification de la loi scolaire prévoyant de renvoyer l’enseignement du français à l’école secondaire.

La deuxième lecture a donné lieu à un nouveau long débat, qui a duré près de deux heures. Au centre des discussions: les mesures proposées mi-mai par le gouvernement pour améliorer l’enseignement du français au primaire.

Celles-ci comprennent davantage d’enseignement par demi-classe, des dispenses facilitées pour les élèves en difficulté ou encore du nouveau matériel d’enseignement. Elles doivent entrer en vigueur à la rentrée scolaire 2018/19. L’enseignement du français commence en 5e année primaire et celui de l’anglais en 3e année.

Soutien des enseignants

La majorité des intervenants a salué les efforts mis en place par le Département de l’éducation et de la culture. Les partisans du français précoce ont appelé à leur donner une chance. D’autant plus que l’association des enseignants Bildung Thurgau les soutient.

Les opposants au français précoce ont, eux, mis en doute l’efficacité des mesures, les jugeant insuffisantes. Ils ne se sont pas non plus montrés convaincus que celles-ci ne provoqueraient pas de coûts supplémentaires, comme l’avance l’exécutif.

A l’adresse de la Suisse romande, où de nombreuses réactions ont suivi la première lecture, ils ont souligné qu’ils n’étaient pas contre le français. Au contraire, “nous voulons améliorer son enseignement, et ça serait bien qu’on le reconnaisse à Lausanne et Genève”, a déclaré Toni Kappeler (Verts).

Crainte de l’isolement

Le “non” zurichois du 21 mai dernier à la suppression d’une langue étrangère à l’école primaire, a également apporté de l’eau au moulin des partisans du français précoce. “Un cavalier seul de la Thurgovie est devenue difficile”, a notamment souligné la démocrate-chrétienne Christa Kaufmann, la seule députée à avoir ouvertement annoncé son changement de position.

Certains représentants ont en outre rappelé que le peuple thurgovien avait clairement refusé, en novembre 2016, que le plan d’études alémanique, qui prévoit l’enseignement du français à l’école primaire, soit soumis à l’approbation du Parlement. En votant pour la suppression du français, “respectons-nous la volonté populaire?”, s’est demandé Roland Huber (PBD).

Voies dissidentes

Au final, la décision a été très serrée. Sur les 123 des 130 députés présents, 62 ont voté pour biffer la modification de loi alors que 60 ont voulu la garder. Il y a un mois, en première lecture, le législatif avait maintenu le paragraphe par 64 voix contre 53.

L’UDC, les Verts, le PDC et l’UDF voulaient le renvoi du français au secondaire. Le PLR, le PS, une minorité démocrate-chrétienne, les Vert’libéraux, le PBD et le PEV voulaient, eux, le maintenir. Les voix dissidentes ont fait la différence.

Le Parlement ayant biffé cette modification, la loi reste inchangée. Un vote final n’a pas lieu d’être.

Elèves dépassés

Le vote de mercredi met donc fin au débat sur l’enseignement du français à l’école primaire lancé en 2014 en Thurgovie. Le Grand Conseil avait alors adopté une motion demandant le renvoi du français au niveau secondaire, constatant que les buts d’enseignement n’étaient pas atteints et que de nombreux élèves étaient dépassés, voire surchargés.

Le gouvernement avait adapté le plan d’étude en conséquence. Soumis à consultation, celui-ci avait provoqué un tollé. Le conseiller fédéral Alain Berset a menacé d’intervenir pour sauver le français au primaire via une législation fédérale.

Face aux critiques, le gouvernement avait alors décidé de laisser le Parlement avoir le dernier mot en lui soumettant une modification de la loi sur l’enseignement. Le nouveau paragraphe établissait que “le français est enseigné comme deuxième langue étrangère seulement à partir du niveau secondaire”.

Ministre soulagée

La ministre thurgovienne de l’éducation Monika Knill (UDC) s’est dite “soulagée d’un grand poids” à l’issue du vote. La suppression du français précoce aurait signifié de quitter la voie de l’harmonisation scolaire et fait de la Thurgovie une “île” au désavantage des individus, avait-elle souligné avant le débat.

Son homologue zurichoise Silvia Steiner, qui préside la Conférence des directeurs cantonaux de l’instruction publique (CDIP), s’est elle aussi réjouie d’une décision qui “décrispe la situation”. Au vu des pressions d’Alain Berset, le vote thurgovien a des retombées pour tous les cantons, a-t-elle dit à l’ats.

L’Office fédéral de la culture prend pour sa part note de la décision. Le canton confirme ainsi la stratégie cantonale d’enseignement des langues ainsi que l’harmonisation scolaire suisse.

Le Forum Helveticum parle d’une “évolution réjouissante”. L’organisation pour la compréhension culturelle et linguistique espère que cela favorisera une conscience accrue des chances que le plurilinguisme helvétique représente tant pour les individus que pour la cohésion nationale.

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