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Le point sur les projets de régulation du cannabis

L'Uruguay connaît un marché régulé du cannabis avec des salons spécialisés, comme en témoigne cette photo prise en 2014 lors de l'Expo Cannabis à Montevideo (archives). KEYSTONE/AP/MATILDE CAMPODONICO sda-ats

(Keystone-ATS) Alors que les projets de légalisation et de régulation du marché du cannabis se multiplient de par le monde, Addiction Suisse tire un nouveau bilan de ces expériences. Des effets indésirables sont relevés, comme une hausse de la consommation des mineurs, par exemple.

Déjà en vigueur dans quatre Etats américains et en Uruguay, la régulation du marché du chanvre devrait se poursuivre aux Etats-Unis et au Canada dès 2017. En parallèle, le modèle de tolérance hollandais, avec ses coffee shops, et celui des associations de consommateurs en Espagne continuent d’exister, a indiqué mardi Addiction Suisse dans un communiqué.

Quant à la Suisse, elle devrait prochainement mettre en discussion des projets d’accès au cannabis. Dans un rapport dont c’est la troisième mise à jour, Addiction Suisse présente une vue d’ensemble des développements dans les Amériques, en Europe et en Suisse, et tire les leçons de ces expériences.

Le modèle du marché commercial aux Etats-Unis a montré sa capacité à se substituer à de larges parts du marché noir et à créer des emplois ainsi que des revenus fiscaux. Jusqu’ici, les sondages d’opinion suggèrent aussi qu’il a toujours le soutien d’une majorité de la population.

Consommation des mineurs

Par contre, sa mise en oeuvre est associée à une diversification des produits et à une hausse de la consommation et de certains problèmes qui y sont liés, notamment chez les mineurs au Colorado. Selon les premières données disponibles, un jeune de 12 à 17 ans sur huit (12,5%) déclarait en avoir consommé durant le dernier mois. Une sitiuation “préoccupante”, selon Addiction Suisse, qui laisse penser que les mesures de protection des mineurs sont insuffisantes.

Les admissions aux urgences, hospitalisations liées à la substance ainsi que sa présence lors d’accidents de la route mortels, sont en hausse. Des groupes d’intérêt se mobilisent aussi pour réduire les contraintes (taxes, interdiction de la publicité ou de la consommation dans les lieux publics) qui sont imposées au marché.

C’est une situation comparable à celle du marché de l’alcool, avec un modèle basé sur les profits qui se soucie peu de la santé publique, note Addiction Suisse.

Uruguay mieux orienté

L’Uruguay propose un modèle plus orienté vers la santé publique. Il offre un choix aux consommateurs en leur proposant différents modèles pour s’approvisionner (auto-culture, associations de consommateurs ou vente en pharmacie) tout en maintenant une vue d’ensemble sur cet approvisionnement et en limitant les quantités.

Quant aux associations de consommateurs en Espagne (Cannabis Social Clubs), elles constituent un modèle qui pourrait obtenir un consensus politique (pas de marché commercial, pas d’accès pour les non-consommateurs) mais elles sont jusqu’ici rejetées par l’Etat espagnol. Certaines régions du pays commencent toutefois à se soucier de leur régulation.

Encore beaucoup à apprendre

La connaissance en la matière ne fait que commencer. On ne connaît pas encore toutes les alternatives possibles ou tous les effets qui y sont liés, comme l’impact sur la consommation d’alcool ou de tabac, souligne Addiction Suisse.

De nouveaux éléments de comparaison viendront bientôt de l’Oregon, de l’Alaska et d’autres Etats américains qui pourraient légaliser le cannabis fin 2016. On attend aussi de voir si le Canada va développer un modèle dans lequel les intérêts commerciaux et la santé publique trouvent un meilleur équilibre qu’aux Etats-Unis.

En Suisse, cinq villes (Berne, Bienne, Thoune/BE, Winterthour/ZH et Zurich) et deux cantons (GE, BS) se sont rassemblés dans un groupe de travail pour développer des projets. Ces projets vont être regroupés dans le cadre d’une demande d’autorisation faite à l’Office fédéral de la santé publique cet automne.

A petite échelle

Les approches pressenties visent une meilleure prise en charge, dans un cadre thérapeutique, des usagers qui consomment déjà du cannabis à des fins médicales et de ceux qui ont un problème avec la consommation de cette substance. Des usagers ordinaires pourront aussi accéder au cannabis au travers d’associations ou de la vente en pharmacie. Le tout devrait être mis en oeuvre à relativement petite échelle.

Discuter et élaborer une nouveauté comme la légalisation et la régulation du marché du cannabis constitue un processus d’apprentissage sociétal, conclut Addiction Suisse. L’organe de prévention y contribue en actualisant régulièrement son rapport, publié pour la première fois en mars 2014.

http://www.addictionsuisse.ch/fileadmin/user_upload/DocUpload/ZobelMarthaler_Rapport_regulation_cannabis_v3.pdf

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