Des perspectives suisses en 10 langues

Le sport peut-il contribuer à désamorcer le conflit coréen?

Une délégation sportive de Corée du Nord participe aux Jeux olympique d'hiver de Pyeongchang (9-25 février) (archives). KEYSTONE/APA/APA/HELMUT FOHRINGER sda-ats

(Keystone-ATS) Le sport peut-il contribuer à désamorcer une crise vieille de plusieurs décennies ? En Corée du Sud, deux experts suisses se sont intéressés au cas particulier qu’est la péninsule coréenne. Ils livrent leurs analyses à l’agence de presse suisse ats.

Le divisionnaire suisse Jean-Jacques Joss ne croit pas en l’impact durable des Jeux d’hiver sur la relation entre les deux voisins: “je doute qu’ils provoquent véritablement un changement. Mais l’espoir, comme chacun sait, fait vivre”. Le militaire connaît bien la situation politique de la péninsule: il était en poste pendant cinq ans dans la zone démilitarisée bâtie après la guerre et qui sépare le Sud démocratique du Nord communiste.

Selon l’expert, Kim Jong-Un a fait preuve d’intelligence stratégique avec son discours du Nouvel-An, le soutien personnel à l’équipe de hockey du pays hôte et l’envoi d’une délégation olympique de 600 personnes. “Le moment choisi était parfait. Avec ce geste, il a éliminé une tangible incertitude et a montré qu’il est en mesure d’établir le contact sans recourir à l’égide de la puissance protectrice des Etats-Unis”.

Bienveillance olympique

Alors que les sanctions contre le Nord s’accumulent et sont désormais soutenues par la communauté internationale, le puissant Kim Jong-Un a tiré profit de la bienveillance olympique, explique Jean-Jacques Joss. De manière générale, le réchauffement du climat politique est donc à relativiser.

Ce général deux étoiles en a vu d’autres: “Une fois le régime de Pyongyang avait menacé de faire de Séoul une mer de feu”, raconte-t-il à l’ats. Mais on s’habitue à la rhétorique du Nord, et “au Sud, presque personne ne la prend au sérieux”.

La venue de la délégation sportive et de supporters du parti au pouvoir a provoqué un certain scepticisme, relève M.Joss. Les forces conservatrices ont manifesté à Séoul. Mais la manière extrêmement modérée de gérer cette situation lors de la cérémonie d’ouverture a immédiatement désamorcé le débat. Pyeongchang était au coeur de l’évènement, pas les invités suspects de Pyongyang. “Aucun des deux Etats n’a heureusement mené de propagande”, souligne-t-il encore.

“Beaucoup changé”

L’évolution politique dans cette partie du monde intéresse non seulement les observateurs militaires mais aussi d’autres parties prenantes. André Lüthi par exemple est un fin connaisseur de la situation nord-coréenne. Le prestataire de voyages bernois organise depuis des années des tours guidés dans ce pays presque entièrement isolé internationalement.

“Avant nous étions accompagnés à chaque pas”, se souvient André Lüthi, parlant de ses premiers voyages. “Il y avait peu de magasins ou de publicités. La peur des locaux envers les visiteurs étrangers peut-être mal intentionnés se ressentait à chaque coin de rue”. Les habitants ne sont plus aussi fermés. “Cela a beaucoup changé dans les dernières années”, rapporte-t-il.

Internet, ce terrain miné

S’appuyant sur son expérience, il conteste l’image répandue dans le monde occidental d’un anachronisme collectif: “A Pyongyang, 30% des gens possèdent un smartphone. Le taux d’analphabétisme atteint tout juste 4%, l’éducation est de manière générale très bonne”. Reste que le flux d’information est dirigé et contrôlé par le gouvernement. Une partie de la population surfe dans un Intranet, Internet reste un terrain interdit.

“En Corée du Nord, l’image du héros a une place importante”, développe André Lüthi. Certains problèmes sont cachés et la perception de soi considérablement déformée. Des remarques “valables pour les deux côtés” en Corée du Nord comme en Occident.

L’entrepreneur emmène chaque année entre 30 et 50 Suisses au coeur de la dictature, explique-t-il. “Je condamne fermement la violation des droits humains, mais il vaut mieux voir une fois de ses propres yeux que de l’entendre mille fois de la bouche des autres”, poursuit-il dans un même souffle.

“Voyager contribue à l’ouverture- comme le sport aux Jeux d’hiver”. Le Globetrotter PDG voit ce rapprochement olympique comme une manifestation d’éloquence qui ne trompe pas: “le système s’effondre. La question sera de savoir s’il est possible de procéder à un changement fondamental, sans que quiconque ne perde la face”.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision