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Les cantons veulent des solutions régionales à l’immigration

Jean-Michel Cina, conseiller d'Etat valaisan et président de la CdC, à gauche, et Michael Ambühl, ancien secrétaire d'Etat, à l'heure de présenter leur solution pour l'immigration. KEYSTONE/LUKAS LEHMANN sda-ats

(Keystone-ATS) Les cantons veulent résoudre à la source les problèmes liés à l’immigration, tout en sauvant les bilatérales. L’ex-diplomate Michael Ambühl a présenté jeudi sa clause de sauvegarde dite ascendante. Cette solution part du niveau le plus bas, soit les cantons.

Ce modèle est le mieux à même de respecter le fédéralisme suisse. Et surtout, il est basé sur l’accord de libre circulation (ALCP) avec l’Union européenne. Celle-ci pourrait donc entrer en matière, a fait valoir devant la presse le président de la Conférence des gouvernements cantonaux Jean-Michel Cina en présentant l’étude de Michael Ambühl.

Des restrictions de l’immigration ciblées et limitées dans le temps sont effectivement prévues dans l’ALCP. A condition que d’importants problèmes économiques et sociaux surgissent dans un pays.

Préférence indigène cantonale

Dans le cas de la Suisse et selon le modèle Ambühl, l’immigration serait limitée uniquement là où les places de travail et les salaires sont mis sous pression par un afflux de migrants nettement supérieur à la moyenne des pays de l’UE et de l’Association européenne de libre-échange (AELE).

Les difficultés seraient définies “de façon objective” en utilisant des indicateurs comme le taux de migration, l’évolution du chômage ou des salaires.

Les employeurs devraient alors privilégier la main-d’oeuvre indigène cantonale à celle venant de l’UE. Concrètement, les citoyens UE/AELE qui cherchent un emploi pour la première fois en Suisse n’auraient pas le même accès au marché du travail que les résidents.

Différentes mesures sont envisageables pour inciter les entreprises, allant de l’attente minimale avant de pouvoir embaucher un non-résident au type de justification que devrait fournir une entreprise si elle renonce à engager un résident, en passant par des taxes administratives.

Décision du gouvernement

Des mesures au niveau national ne seraient prises que lorsque des secteurs ou groupes de professions entiers seraient en difficulté, suite à une migration très fortement supérieure à la moyenne des pays de l’UE et de l’AELE.

Au final, il reviendrait au Conseil fédéral de décider s’il y a lieu de proposer l’activation de la clause de sauvegarde au Comité mixte Suisse/UE, prévu par l’accord de libre circulation.

Pas de contingents

Le modèle renonce en outre aux contingents et autres plafonds. Ce n’est pas une interprétation littérale du texte de l’UDC, mais on en respecte l’esprit, estime l’ancien secrétaire d’Etat.

On ne peut pas faire une simulation sérieuse permettant de savoir dans quelle mesure la migration récente en Suisse aurait été réduite avec un tel modèle. C’est très difficile à quantifier, a reconnu M. Ambühl.

L’étude montre en revanche que cette clause aurait pu être activée 40 fois dans 130 cas étudiés au niveau des cantons ces quatre dernières années, avec une influence potentielle à la baisse sur la migration. Non seulement le Tessin, mais aussi Zurich, Vaud, le Valais et Genève auraient été concernés au premier chef.

Prestations sociales

Le modèle prévoit aussi des mesures au niveau des prestations sociales. Michael Ambühl propose entre autres que les employeurs paient des cotisations plus élevées pour les immigrés récents, soit une sorte d’impôt sur l’immigration.

L’accès à certaines prestations pourrait aussi être différé. C’est une des solutions qui avaient été conclues entre la Grande-Bretagne et l’UE, quelques mois avant le Brexit. Toutes ces mesures pourraient aussi s’appliquer aux frontaliers, selon l’étude.

Résistance de l’Italie

Mais des pays frontaliers font déjà preuve de résistance. Le ministre italien des affaires étrangères Paolo Gentiloni a fait savoir cette semaine au conseiller fédéral Didier Burkhalter que l’Italie n’accepterait pas que l’immigration soit réglementée de manière différente selon les régions.

Cette information émane d’une note du Département fédéral des affaires étrangères, dont le Tages-Anzeiger a fait écho jeudi et que l’ats a obtenue. M. Gentiloni a précisé que l’Italie demande une solution uniforme pour toute la Suisse.

Le délai pour mettre en oeuvre l’initiative contre l’immigration de masse est fixé au 9 février 2017. Des discussions techniques ont toujours lieu actuellement. Le président de la Confédération Johann Schneider-Ammann doit rencontrer son homologue de la commission européenne Jean-Claude Juncker à Zurich le 19 septembre, en pleine session.

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