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Les députés s’affrontent sur la destitution de Dilma Rousseff

(Keystone-ATS) Les députés brésiliens ont âprement débattu vendredi du bien-fondé de la destitution de la présidente Dilma Rousseff. Cette étape entame une session marathon de trois jours qui se terminera dimanche par un vote crucial.

Ces débats houleux ont ouvert l’un des chapitres les plus dramatiques de l’histoire de la jeune démocratie brésilienne. Celle-ci est ébranlée simultanément par un séisme politique majeur, un gigantesque scandale de corruption et la pire récession économique depuis des décennies.

Pendant ces longues heures de diatribes enflammées, les députés du Parti des travailleurs (PT) au pouvoir et d’autres partis de gauche ont accusé leurs rivaux de fomenter un “scandaleux coup d’État” pour s’emparer d’un pouvoir qu’ils n’ont pas su conquérir dans les urnes en 2014.

C’est Dilma Rousseff qui a “escroqué les Brésiliens” en leur mentant sur la gravité de la situation économique, ont rétorqué les élus conservateurs. Ces derniers arboraient des écharpes aux couleurs vert et jaune nationales.

Tour de passe-passe

Mme Rousseff est accusée d’avoir sciemment maquillé les comptes publics pour minimiser l’ampleur des déficits publics en 2014, année de sa réélection, et début 2015.

Son défenseur, l’avocat général du Brésil José Eduardo Cardozo, a réitéré que ces tours de passe-passe budgétaires ne constituaient pas un “crime de responsabilité”.

“Sans crimes de responsabilité, ce n’est pas une destitution, mais un coup d’Etat”, a-t-il martelé dans l’hémicycle provoquant le tumulte. “Les trucages budgétaires” de la présidente ne sont pas de “simples infractions administratives mais un crime contre la Patrie”, a asséné Miguel Reale Junior, l’un des juristes ayant rédigé la demande de destitution de Mme Rousseff.

“Il y a eu un coup (d’Etat), oui! Quand on a caché que le pays était en faillite, quand on a masqué la situation budgétaire du pays et que l’on a continué à faire d’immenses dépenses publiques!”, a-t-il insisté.

Discours annulé

Les députés de gauche ont fustigé l’impartialité du président du Congrès des députés Eduardo Cunha, ennemi juré de la présidente. Celui-ci est inculpé pour corruption dans le cadre du scandale Petrobras mais est protégé par son immunité parlementaire.

M. Cunha est membre du grand parti centriste PMDB du vice-président Michel Temer qui travaille activement à la destitution de Mme Rousseff pour lui succéder. “Nous avons face à nous un accusé qui commande une farce!”, a enragé au micro le député d’extrême gauche Yvan Valente.

La présidente Dilma Rousseff devait prononcer un discours radio-télévisé à la nation à 20h00 (02h00 samedi en Suisse). Mais elle y a renoncé dans la soirée et envisageait de s’exprimer samedi soit sous la même forme soit sur les réseaux sociaux, a indiqué une source gouvernementale.

Appui de Lula

L’héritière politique de l’ex-président Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010) est en situation très critique. Elle a essuyé cette semaine une avalanche de défections au sein des partis du centre mou de sa coalition hétéroclite en miettes.

Lula a volé une nouvelle fois à sa rescousse dans une vidéo. Il a appelé les députés à “résister aux chants des sirènes de ceux qui veulent s’installer dans le fauteuil présidentiel avant l’heure”.

A l’extérieur du congrès des députés, l’immense Esplanade des ministères a été bouclée toute la journée par les forces de sécurité et survolée par des hélicoptères. Une barrière de deux mètres de haut et d’un kilomètre de long a été érigée par les autorités pour séparer les manifestants favorables et ceux hostiles à la destitution afin éviter des affrontements au cours d’un week-end décisif.

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