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Les experts décrivent une Mme Bettencourt aux facultés diminuées

(Keystone-ATS) La vulnérabilité de Liliane Bettencourt remonte à septembre 2006, selon les experts médicaux chargés de l’examiner. Ils ont dressé lundi devant le tribunal correctionnel de Bordeaux le portrait d’une femme souffrant de “démence modérément sévère”.

Ces examens constituaient la première expertise médicale judiciaire réalisée auprès de l’héritière de L’Oréal. Dans leur rapport, les cinq praticiens – deux neurologues, un médecin ORL, un psychologue, sous la direction de Sophie Gromb, medécin légal – avaient estimé que la vulnérabilité de la vieille dame remontait à septembre 2006.

C’est la date retenue pour le début des faits d’abus de faiblesse, recel et blanchiment, pour lesquels dix hommes sont jugés jusqu’au 26 février à Bordeaux.

La chute de la vieille dame en Espagne, à cette époque, “marque le début des troubles les plus apparents”, a rappelé à la barre la neurologue Sophie Auriacombe. Elle a indiqué que l’expertise avait conclu que l’héritière de L’Oréal souffrait d’une “démence à un stade modérément sévère”, associant maladie d’Alzheimer à des symptômes de troubles vasculaires.

Troubles cognitifs

Elle souffrait également de “troubles cognitifs” touchant l’orientation spatio-temporelle, a rappelé la praticienne. Le médecin ORL a lui évoqué une surdité sévère “évolutive”, avec une “vitesse d’aggravation importante”.

A l’appui de leurs conclusions, les experts ont rendu compte des entretiens menés en juin 2011 avec la milliardaire, alors âgée de 88 ans, à la demande du juge d’instruction Jean-Michel Gentil. Son ex-infirmier Alain Thurin était chargé de lui répéter leurs demandes “à l’oreille” en raison de son handicap auditif.

Incapacité à répondre

Le Dr Sophie Auriocombe a fait état de la difficulté pour la vieille dame de comprendre une batterie de questions simples sur elle-même ou sa vie du moment. “Lorsque je lui demande en quelle année nous sommes, elle a beaucoup de mal à comprendre ce que je veux lui dire”, a détaillé la spécialiste.

De la même façon, la neurologue a souligné l’incapacité de la vieille dame à lui répondre sur son âge. “Mais elle sait sa date de naissance”, car les “informations surapprises sont connues”, a-t-elle relevé. Mme Bettencourt est par ailleurs incapable de répéter trois mots qu’elle vient de lire ou de répondre sur son programme de la journée.

Vernis socioculturel

Même difficulté devant le “test très simple de vocabulaire” proposé par le Dr Bruno Daunizeau, psychologue. “Elle n’a pas été capable de répondre à la moindre question”, a expliqué l’expert, relevant des réponses stéréotypées d’une “femme courtoise, très femme du monde”, telles que “oui, oui, je vois”.

Selon le Dr Jean-François Dartigues, neurologue, la discussion avec la milliardaire pouvait avoir une “certaine cohérence” quand les “questions venaient d’elle”.

Un “vernis”, selon lui, en raison du niveau socioculturel de la milliardaire. “Il est plausible d’imaginer que si elle a l’initiative de la conversation”, Liliane Bettencourt “pouvait tout à fait abuser son interlocuteur”, a-t-il ajouté.

Polémique

L’expertise judiciaire, la toute première réalisée sur la milliardaire, avait été au coeur d’une polémique. La défense avait dénoncé la partialité des examens menés par le Dr Gromb, suffisamment proche du juge Gentil pour être témoin à son mariage. La cour de cassation avait finalement validé l’expertise.

A l’audience, les avocats de la défense sont revenus à la charge sur la validité du travail des experts, les accusant d’avoir privilégié certains documents médicaux tout en en délaissant d’autres.

Aujourd’hui âgée de 92 ans et sous tutelle, Liliane Bettencourt est la grande absente du procès.

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