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Les montres complexes, une démonstration de savoir-faire technique

(Keystone-ATS) En septembre, la marque horlogère haut de gamme genevoise Vacheron Constantin dévoilait une montre considérée comme “la plus compliquée jamais réalisée”. Pour les marques suisses, ces montres d’exception sont souvent un moyen d’afficher leur savoir-faire technique.

Désignée sous le nom de “Référence 57260”, la pièce unique dévoilée par Vacheron Constantin intègre pas moins de 57 complications, dont plusieurs inédites, affirme l’horloger genevois. Ce modèle, fruit d’une commande d’un collectionneur privé, a notamment la particularité de disposer d’un calendrier perpétuel hébraïque.

“Deux experts externes et plusieurs juristes nous ont confirmé qu’il s’agissait de la montre la plus compliquée au monde”, affirmait le directeur général de la marque Juan Carlos Torres dans une interview au Temps. “Ce ne serait évidemment pas à nous seuls de le prétendre”.

Savoir-faire technique

Pour les horlogers haut de gamme helvétiques, les montres compliquées sont historiquement un moyen de démontrer leur savoir-faire technique. “Il existe un intérêt de tradition horlogère, mais aussi de recherche et développement, d’image, publicitaire, ou encore financier”, note Grégory Pons, éditeur horloger et fin connaisseur du secteur.

En effet, les revenus très élevés tirés de la vente de ces pièces uniques sont souvent une manière de faire tourner un atelier et de développer un savoir-faire qui se retrouve ensuite dans d’autres créations, explique l’expert. “Les marques peuvent ainsi couper les différentes techniques développées comme un saucisson pour les réutiliser ailleurs, à l’instar du calendrier hébraïque”.

“Les montres à complication sont parts intégrales des développements et de l’offre produit”, souligne de son côté Thierry Stern, président de la marque horlogère genevoise Patek Philippe. “Leur production plus complexe fait appel aux meilleurs savoir-faire et demande un plus fort investissement en termes de développement et de production. Elles sont donc naturellement plus limitées.”

“Pas de gadgets”

Thierry Stern juge toutefois essentiel que ces complications ne soient pas de simples gadgets. “Elles doivent intégrer des indications et des fonctions horlogères additionnelles précises et fiables sur le long terme”, explique-t-il.

Il justifie l’offre de ces montres mécaniques à indications additionnelles par la demande de la clientèle, qui apprécie de plus en plus les montres-bracelets compliquées. “Une tendance qui s’applique aux montres hommes et depuis une dizaine d’années aux montres dames.”

Pour les garde-temps à ultra-haute complication comme la Référence 57260, il n’existe toutefois pas réellement de marché commercial, souligne Grégory Pons. “Ces montres doivent concerner cinq collectionneurs dans le monde. Sans une commande spéciale, jamais Vacheron Constantin n’aurait développé ce modèle.”

Course à la complication

Certains remettent toutefois en cause cette “course à la complication” de la haute horlogerie.

“A part quelques marques qui ont la légitimité de mettre en avant la complexité de leurs mouvements – parce que cela fait partie de leur histoire – cette surenchère aux complications est de la masturbation marketing”, regrettait dans les colonnes du Temps Franco Cologni, fondateur de la Fondation de la Haute Horlogerie à Genève.

“Pourquoi ajouter sans cesse de la technique pour des clients qui, à part quelques fanatiques, ne comprennent pas ses complications?”, interrogeait-il. Selon lui, l’industrie du luxe oublie trop souvent que ses clients ne sont pas que des portefeuilles, mais des humains avec des émotions. “Ce n’est pas pour rien que la clientèle est aujourd’hui instable, beaucoup moins fidèle.”

Un point de vue partagé par Grégory Pons, qui estime qu’à trop cibler une clientèle de très riches par la surenchère technique, certaines marques “courent le risque de se couper de leurs autres clients”. “A mon avis, le gain en termes d’image de marque ne compense pas le désintérêt que peuvent ressentir certains clients potentiels”.

Selon l’expert, il existe donc bel un bien le danger “d’envoyer la mauvaise image au marché”. Globalement, il craint également une perte de la substance horlogère.

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