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Les victimes d’abus sexuels veulent du pape des annonces à Genève

Les victimes d'abus sexuels de l'Eglise et leurs défenseurs veulent des "mesures concrètes" du pape et davantage d'indépendance pour régler ces affaires y compris en Suisse. KEYSTONE/MARTIAL TREZZINI sda-ats

(Keystone-ATS) Des victimes d’abus sexuels du clergé et leurs défenseurs, regroupés dans une nouvelle faîtière mondiale, veulent que le pape annonce un tribunal lors de sa visite du 21 juin à Genève. En Suisse, les travaux d’une commission indépendante sont suspendus depuis mars.

Il y a quelques semaines, l’ensemble de la hiérarchie de l’Eglise catholique chilienne avait démissionné pour ne pas avoir pris les décisions adaptées face à des dénonciations d’abus. Une décision qui n’a pas été validée par le pape, ont notamment déploré les victimes et leurs défenseurs.

Les scandales de prêtres couverts par des évêques sont “un problème mondial”, a dit jeudi devant la presse Peter Saunders, l’un des membres de l’association Ending Clergy Abuse (“Mettre un terme aux abus du clergé”, ECA) formalisée cette semaine à Genève. Il est impossible d’établir un nombre de victimes, ni dans le monde ni en Suisse.

Rien qu’aux Etats-Unis, il dépasserait les 100’000, selon une estimation de 2012. Or, le pape, qui a lancé la première Commission pontificale pour la protection des mineurs, a déçu sur cette question, selon ECA. Il n’a pas pris en compte les recommandations de cette enceinte, déplore le Français François Devaux, également membre de l’association.

Tribunal conjoint

“Nous demandons au pape lors de sa venue à Genève d’annoncer des mesures concrètes” contre les évêques “qui ont protégé les prêtres pédophiles”, dit-il. Et le Saint-Père doit aussi exiger des évêques qu’ils informent la justice de mauvais traitements par leurs subordonnés, selon ECA.

Le droit canon ne permet pas de poursuivre le pape ou des évêques. ECA souhaite le lancement d’un tribunal qui ne serait pas constitué seulement d’ecclésiastiques pour pouvoir les mettre en cause. L’autre scénario serait de transférer la responsabilité à la justice civile. La “crédibilité” de l’Eglise catholique est tellement entachée, ajoute M. Saunders.

Un rapport accablant d’un comité onusien l’avait largement ciblée il y a quatre ans. ECA rassemble environ 25 victimes et activistes de près de 20 pays. Elle a rencontré cette semaine des responsables de l’ONU à Genève.

Devant la presse, chaque membre a dénoncé les actes d’un évêque de son pays. Sauf le Suisse Jean-Marie Fürbringer, abusé dans les années 90, qui a lui relayé un autre appel sur la situation en Suisse. “Nous voulons que la CECAR (Commission d’écoute, de conciliation, d’arbitrage et de réparation, NDLR) soit réellement indépendante”, a-t-il affirmé.

Evêques ciblés par la CECAR en Suisse

Décidée conjointement par les victimes et la Conférence des évêques suisses (CES), cette structure est inédite dans le monde. Active depuis 2016, elle est toutefois à l’arrêt depuis fin mars en raison d’une division avec ceux-ci. “Nous acceptons les requêtes mais elles sont en suspens” jusqu’à nouvel ordre, a expliqué à l’ats sa présidente Sylvie Perrinjaquet.

Elle estime que l’indépendance de la CECAR, active seulement en Suisse romande et prévue au moins pour cinq ans, est remise en cause. Une victime peut s’annoncer soit à cette institution, soit à une commission diocésaine. Toutes deux doivent faire suivre leurs recommandations à une commission d’indemnisation de la CES.

Responsable du Fonds de réparation, celle-ci devait suivre l’avis de la CECAR sur les montants demandés mais elle les aligne plutôt sur les règles établies par les évêques. Soit jusqu’à 10’000 francs ou jusqu’à 20’000 pour les cas graves.

La CECAR, qui entend chaque victime, dénonce cette attitude. “Il en va de notre crédibilité. Nous avons une responsabilité” par rapport à chaque cas, dit Mme Perrinjaquet. Une réunion est prévue avec l’évêque de Lausanne, Genève et Fribourg Charles Morerod pour tenter de résoudre le blocage, deux jours avant la venue du pape.

Jusqu’à fin 2017, une vingtaine de demandes avaient été soumises, dont quelques-unes ont déjà été honorées. Mais de nombreuses victimes ne se manifestent pas. Une différence importante des cas signalés est constatée entre Suisse romande et Suisse alémanique. Aucune association similaire à la CECAR n’existe côté alémanique.

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