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ONG internationales réunies à Genève face à Trump et aux autocrates

Le directeur exécutif de Human Rights Watch (HRW) Kenneth Roth admet que les ONG de défense des droits de l'homme doivent repenser leur action face aux nouveaux dirigeants dans plusieurs pays (archives). KEYSTONE/MARTIAL TREZZINI sda-ats

(Keystone-ATS) L’arrivée au pouvoir de Donald Trump, Viktor Orban ou Rodrigo Duterte, désignés par les électeurs, pousse les défenseurs des droits de l’homme à repenser leur action. Une quinzaine d’entre eux se sont réunis mercredi à Genève pour les 25 ans du Prix Martin Ennals.

“Les autocrates et les populistes constituent un défi” pour les méthodes traditionnelles des ONG, a dit à l’ats le directeur exécutif de Human Rights Watch (HRW) Kenneth Roth, au terme de cette réunion, une première pour le jury en dehors du choix des finalistes et du lauréat du prix. La dénonciation de violations auprès de l’opinion publique pour mettre la pression sur les gouvernements ne porte plus autant ses fruits.

Ces dirigeants “ont réussi à rendre certains abus populaires”, dit encore M. Roth, par exemple sur les migrants ou sur les minorités. Certains ont fait du tort aux contre-pouvoirs traditionnels, d’une justice indépendante aux médias en passant par la société civile.

Mais aucun pays ni aucune région ne sont “immunisés contre le populisme”, ajoute un responsable du Service international pour les droits de l’homme (ISHR). “Même Genève”, dit-il.

Pour coller davantage aux préoccupations de la population, les participants ont notamment conclu que la priorité devait être mise sur la défense des droits économiques et sociaux. Une revendication habituellement lancée par les régimes autocratiques pour éviter d’aborder les droits civils et politiques.

Lien entre tous les droits

Sauf que ceux-ci entendent par “droits économiques et sociaux” le “développement économique” et non les droits à la santé ou à un logement adapté, rétorque le directeur de HRW. Par ailleurs, le lien entre ces droits est très important. Le prix Martin Ennals, considéré comme le Nobel des défenseurs des droits de l’homme, avait récompensé en 2016 un Ouïghour dont les droits civils ont été violés parce qu’il luttait pour les droits économiques et sociaux.

Autre remise en cause, le message des ONG doit être mieux relayé et coordonné, selon la présidente de Human Rights First, Elisa Massimino. Face aux autocrates, “nous avons plutôt un bon dossier”. “Nous devons diagnostiquer ce qui alimente le populisme et le faire sortir. Et nous gagnerons”, dit la présidente.

Du Chinois Xi Jinping au Russe Vladimir Poutine, ceux qui tentent de détruire les défenseurs des droits de l’homme “redoutent” ceux-ci, affirme le directeur de Front Line Defenders Andrew Anderson. Face au Hongrois Viktor Orban, il faut faire pression sur l’Union européenne pour qu’elle ne finance pas des gouvernements répressifs et qu’elle s’en tienne à ses valeurs, dit le secrétaire général de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) Gerald Staberock.

Impossible pour ces participants de dire quel pays les préoccupe le plus. “L’assassinat de défenseurs des droits de l’homme” constitue l’inquiétude principale, dit M. Anderson. Plus de 300 sont décédés en 2017.

Gouvernements et entreprises

Récompensée il y a quatre ans, une avocate mexicaine souligne que le prix Martin Ennals a renforcé sa sécurité et celle de ses collaborateurs, mais aussi la visibilité des femmes qui luttent pour les droits humains. L’avocate a en revanche été accusée de freiner les avancées économiques dans son pays.

Les restrictions dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, l’attitude de certaines entreprises et la répression par des gouvernements rendent la situation des droits de l’homme difficile, selon le Bangladeshi Adilur Rahman Kahn, finaliste la même année. “Si les défenseurs des droits de l’homme sont unis, les régimes répressifs s’effondrent”, dit-il.

Le prix Martin Ennals est remis chaque année depuis 1993 par dix ONG au total, dont Amnesty International, l’OMCT, la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) ou HRW. Il est soutenu par les autorités fédérales et cantonales et la Ville de Genève.

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