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Paul Kagame réélu haut la main pour un troisième mandat au Rwanda

Le président rwandais Paul Kagame a voté dans la capitale Kigali. KEYSTONE/AP/JEROME DELAY sda-ats

(Keystone-ATS) Le président du Rwanda Paul Kagame a été réélu vendredi pour un troisième mandat avec 98,63% des voix, selon les résultats définitifs annoncés samedi. Il dirige le pays d’une main de fer depuis 23 ans.

Le chef de l’Etat sortant n’a laissé que des miettes à ses deux adversaires: l’indépendant Philippe Mpayimana a obtenu 0,73% des suffrages exprimés, et Frank Habineza, leader du Parti démocratique vert, le seul parti d’opposition au Rwanda, 0,47%.

La Commission électorale (NEC) a publié samedi après-midi les résultats complets portant sur l’ensemble des bulletins dépouillés, qui donnent M. Kagame très largement vainqueur avec 98,63% des suffrages exprimés, soit mieux encore qu’en 2003 (95%) et 2010 (93%). La NEC a confirmé que le taux de participation s’élevait à 96,42% des 6,9 millions d’électeurs inscrits.

“J’accepte le résultat et je félicite le FPR et Paul Kagame”, a déclaré à l’AFP M. Mpayimana. “Je ne vais pas m’arrêter là. Je demande à tous les citoyens de me rejoindre pour que nous puissions être plus forts à la prochaine élection.” M. Habineza a reconnu être déçu par son résultat et a regretté les difficultés rencontrées lors de la campagne.

Victoire attendue

Les Rwandais se sont rassemblés en divers endroits du pays pour célébrer discrètement cette victoire, sans grande effusion dans les rues, dont ils sont peu coutumiers. Dès le début de la soirée, alors que le scrutin s’était déroulé dans le calme vendredi, plusieurs centaines de personnes s’étaient déjà réunies à Kigali devant un écran géant installé dans un gymnase proche du stade national, pour fêter la réélection de M. Kagame.

Cette large victoire était attendue. Ses deux adversaires étaient passés quasiment inaperçus dans une campagne phagocytée par le Front patriotique rwandais (FPR), parti contrôlant toutes les sphères de la société de ce petit pays de la région des Grands Lacs.

Paul Kagame “a libéré le pays, il a stabilisé le pays, et maintenant on peut marcher dans tout le pays nuit et jour sans problème”, a expliqué Jean-Baptiste Rutayisire, un entrepreneur de 54 ans, qui a voté dans le même bureau du centre de Kigali que le président.

“Il a fait beaucoup pour le pays et il continue (…), c’est un homme exceptionnel”, a-t-il ajouté, en avouant ne pas connaître les deux autres candidats.

Une première

Conscient de n’avoir quasiment aucune chance de l’emporter, M. Habineza s’était cependant réjoui que pour “la première fois depuis 23 ans un parti d’opposition se trouve sur les bulletins de vote”, dans un entretien téléphonique vendredi avec l’AFP. Dans le Rwanda post-génocide, seuls des candidats indépendants ou alliés à M. Kagame avaient jusque-là pu se présenter à l’élection présidentielle.

Avant le scrutin, MM. Habineza et Mpayimana s’étaient plaints de nombreuses difficultés, dont le peu de temps à leur disposition pour lever des fonds et faire campagne. Lors d’un récent meeting, M. Habineza avait assuré que placarder les couleurs de son parti avait été un vrai défi: “On nous a dit qu’on ne pouvait pas mettre nos drapeaux là où le FPR avait mis les siens, mais malheureusement le FPR a mis les siens partout!”.

La victoire de M. Kagame ne semblait faire aucun doute depuis le plébiscite par référendum en décembre 2015 – 98% des voix également – d’une modification de la Constitution, critiquée par les observateurs, lui permettant de briguer un nouveau mandat de sept ans.

Au pouvoir depuis 1994

Aujourd’hui âgé de 59 ans, Paul Kagame est l’homme fort du Rwanda depuis que le FPR a renversé en juillet 1994 le gouvernement extrémiste hutu ayant déclenché le génocide qui a fait 800’000 morts entre avril et juillet 1994, essentiellement parmi la minorité tutsi.

Il a d’abord été vice-président et ministre de la Défense, dirigeant de facto le pays, avant d’être élu président en 2000 par le Parlement. En 2003 et 2010, il a été reconduit au suffrage universel avec plus de 90% des voix.

M. Kagame est crédité du spectaculaire développement, principalement économique, d’un pays exsangue au sortir du génocide. Ses opposants jugent que ce développement économique s’est fait au détriment des libertés civiles, le pouvoir muselant les médias indépendants et supprimant toute dissidence.

De nombreuses voix critiques ont été emprisonnées, forcées à l’exil et pour certaines assassinées. Des observateurs assurent que les candidatures de MM. Habineza et Mpayimana ne sont qu’une “façade” à destination de la communauté internationale.

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