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Pays basque: l’ETA officialise à Genève la fin de son existence

Le directeur du Centre Henry Dunant pour le dialogue humanitaire à Genève a lu la déclaration finale de l'ETA qui officialise la dissolution de l'organisation séparatiste et que son institution a reçue. KEYSTONE/EPA KEYSTONE/VALENTIN FLAURAUD sda-ats

(Keystone-ATS) L’organisation séparatiste basque ETA, responsable de près de 830 victimes en Espagne et en France en près de 60 ans, n’existe plus. Dans une déclaration finale lue par le directeur du Centre Henry Dunant (HD) à Genève, elle a annoncé sa dissolution ce jeudi à 14h00.

Un vote interne auprès des militants de l’organisation a recueilli 93% de soutien, selon le document envoyé au Centre HD et mentionné par le directeur David Harland. Le groupe a informé les gouvernements français et espagnol de la fin de son existence.

La Suisse, qui soutient les activités de diplomatie privée du Centre Henry Dunant pour le dialogue humanitaire, était représentée dans la salle au moment de l’annonce. Celle-ci met un terme à la dernière insurrection armée d’Europe occidentale après des décennies d’attentats.

En 2011, le groupe avait déjà renoncé à l’action armée avant d’indiquer en 2017 son désarmement total. Dans sa lettre lue jeudi après des spéculations sur une vidéo, Euskadi Ta Askatasuna (ETA) répète avoir supprimé “l’ensemble de ses structures” comme elle l’avait annoncé le 16 avril.

Torture et exécutions

L’organisation créée en 1959 dit aussi avoir “mis un terme à toute son activité politique”. Toutefois, les anciens militants “poursuivront la lutte en faveur d’un Pays Basque réunifié”.

Madrid a immédiatement réagi à cette annonce. “Quoi qu’elle fasse, l’ETA ne trouvera aucune faille et pas d’impunité pour ses crimes”, a affirmé le président du gouvernement espagnol Mariano Rajoy.

Le Collectif des victimes du terrorisme (Covite), cité par l’AFP, a exigé que l’ETA condamne le terrorisme et cesse de rendre des hommage publics à ses militants quand ils sortent de prison. Il attend aussi qu’elle clarifie 358 crimes encore inexpliqués.

Du côté des autorités, des militants séparatistes ont été torturés par le passé par le gouvernement espagnol, a rappelé M. Harland. Et des hommes dépêchés par “certains membres de l’Etat” ont exécuté des militants présumés de l’organisation.

Saluée par Taubira

“Un long travail” de réconciliation reste à être mené, a reconnu M. Harland. Il passera selon lui par la reconnaissance des crimes et de leur responsabilité et par des excuses pour ces actes. Au Pays Basque, l’immense majorité de la population rejette les violences, mais certains maintiennent encore des revendications séparatistes.

Dans la salle à Genève, une minute de silence a été observée pour les victimes des violences. Cette dissolution “montre que l’établissement d’une paix durable est possible” et “que la violence à elle seule n’apporte aucune solution”, a affirmé l’ancien ambassadeur suisse Raymond Loretan, membre du conseil de fondation du centre HD.

Présente à Genève, l’ancienne ministre française de la justice Christiane Taubira appelle les autorités espagnoles mais aussi de son pays “à prendre le risque” de la réconciliation. “Il faut donner toutes ses chances à la paix”, a-t-elle affirmé à l’ats.

Acteur symbole de la Suisse

Mme Taubira est persuadée que les deux gouvernements sont constitués de personnalités qui sauront “saisir cette opportunité”.

Partagée entre la souffrance des victimes et une immense satisfaction, elle a salué “une étape décisive” qui doit être validée par la reconnaissance des responsabilités, une réparation pour les victimes, des conditions favorables au dialogue ou encore l’établissement d’un statut clair pour les détenus de l’ETA. Elle relève la bravoure des acteurs, ainsi que leur “volonté impatiente”.

Le centre HD a été très impliqué dans les tentatives de solution politique avec l’ETA depuis un certain nombre d’années. Son travail relaie “le meilleur de ce que la Suisse incarne et soutient”, s’est réjoui M. Loretan.

Son directeur a lui tenu aussi à saluer la contribution de quatre personnes dans le processus, dont l’ancien chef du gouvernement espagnol José Luis Rodriguez Zapatero, qui avait notamment obtenu en 2006 une trêve de quelques mois. Le centre HD, qui emploie près de 150 personnes et revendique une quasi totale discrétion sur ses engagements depuis près de 20 ans, est actif sur environ 40 médiations dans le monde.

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