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Philippe Rahmy: une vie en forme de montagnes russes

L'auteur suisse Philippe Rahmy passe six mois en résidence d'écriture à Montricher, où il travaille à son projet "Pardon pour l'Amérique". sda-ats

(Keystone-ATS) Atteint d’une maladie génétique, l’écrivain Philippe Rahmy a fait de l’écriture sa colonne vertébrale. Chapeau, barbiche, oeil malicieux et verve intarissable, le Vaudois raconte un parcours où se mêlent inextricablement souffrance du corps, littérature et voyages.

Né en 1965 à Genève, Philippe Rahmy est issu d’une “macédoine d’origine”, germanique par sa mère, franco-égyptien par son père. Il passe son enfance entre un lit médicalisé à Crans-près-Céligny (VD) et un pensionnat catholique de Genève.

Souffrant d’ostéogénése imparfaite, autrement dit de la maladie des os de verre, Philippe Rahmy connaît l’hôpital et l’isolement “à haute dose” depuis sa naissance.

Creux et bosses

La fragilité de son corps, ses difficultés quotidiennes, il les évoque avec humour, sans jamais s’apitoyer. “Je me blesse, je me soigne, je prends des forces et je repars. C’est une vie en forme de montagnes russes, avec des creux et des bosses”, explique-t-il à Montricher (VD) où il est en résidence d’écriture pour six mois.

“Cette douleur physique constante ne m’a pas détruit pour l’instant. C’est une saloperie, mais elle se traduit en quelque chose d’autre”, relève-t-il.

Lettres et amour

Si l’écriture est devenue pour lui la vie, son parcours ne manque pas de romanesque. A dix ans, son grand-père maternel, un médecin expérimental allemand, lui injecte des cellules animales, ce qui le terrorise. Plus tard, il veut devenir médecin, puis égyptologue.

Oubliant qu’il a “un corps qui se casse”, il part à l’Ecole du Louvre à Paris. Installé dans une chambre de bonne du 6e étage, il passe plus de temps à monter les escaliers qu’à suivre ses cours. Il revient en Suisse “mal en point”.

A la Faculté des Lettres de l’Université de Lausanne, il rencontre Tanja, son épouse. Repéré par cette “bonne personne”, il fuit tout d’abord. “J’étais terrifié, tellement certain de devenir un ‘über vieux garçon’.” Alors qu’elle s’apprêtait à détruire ses lettres, l’écrivain se fait tatouer la déesse égyptienne de l’amour sur le bras “pour ne pas se dégonfler”. Ils sont mariés depuis 18 ans.

Voyageur tardif

Après plusieurs recueils de poésie, l’auteur est invité dans une résidence d’écrivain à Shangaï, un voyage tardif qui l’amène à défier ses contraintes physiques. Son premier roman “Béton armé” fait un récit ciselé de ce périple singulier, dans une ville fourmillante dont il est tombé “raide dingue amoureux”.

Puis ce sera “Allegra”, une errance qui a pour théâtre la ville de Londres avant les Jeux olympiques. Son prochain livre, “Monarques”, va paraître à fin août. Ce roman qui mêle histoire et biographie interroge la migration, la fraternité et la responsabilité politique, explique l’auteur.

Quatre coins du monde

A la Maison de l’écriture, Philippe Rahmy travaille sur son projet “Pardon pour l’Amérique”, dédié aux détenus condamnés à tort et à d’autres formes d’emprisonnement. Et fourmille de projets aux quatre coins du monde.

“Depuis la Chine, j’ai la faim. Il y a eu tant de retenue, je me projette dans mon corps et mon écriture. Avant je me cloîtrais dans mon corps et m’enfermais dans ma poésie”.

Invisibilité

Philippe Rahmy, qui passe son temps entre hôpital et résidences littéraires, bataille aussi pour les droits des handicapés: “En fauteuil, “on est toujours à la hauteur des derrières des gens”…”on est dans l’invisiblité”.

“A Shangaï, toutes ces personnes assises sur leurs talons, des milliers de paires d’yeux à ma hauteur. C’était merveilleux, jubilatoire”, raconte-t-il.

“Ca m’a retourné comme une chaussette. J’ai dû oublier toutes ses protections, me lancer. Cette carapace que je transportais, je la vois aujourd’hui chez les autres”, en Suisse auprès de l’UDC notamment.

Philippe Rahmy est lauréat de plusieurs prix, dont le prestigieux prix Rambert 2016 pour “Allegra”. Il a reçu l’un des prix suisses de littérature 2017 décernés par l’Office fédéral de la culture.

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