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Pour le parquet, la place de Jérôme Cahuzac est en prison

Le parquet a requis la confirmation de la peine de Jérôme Cahuzac, qui avait été condamné en première instance à trois ans de prison pour son compte bancaire dissimulé à l'étranger (archives). KEYSTONE/AP/MICHEL EULER sda-ats

(Keystone-ATS) Le parquet a requis mardi la confirmation de la peine de trois ans de prison ferme et cinq ans d’inéligibilité infligée à l’ex-ministre français du budget Jérôme Cahuzac, jugé en appel pour fraude fiscale et blanchiment. Sa faute a “durement rompu l’équilibre social”.

Votre plus grande contribution à la lutte contre la fraude fiscale aura été votre procès”, a asséné l’avocat général Jean-Christophe Muller à l’ancien ministre, contraint à la démission en mars 2013 après la révélation de l’existence d’un compte caché à l’étranger.

Si son réquisitoire est suivi par la Cour d’appel de Paris, l’ancien ministre socialiste, dont les dénégations puis la chute ont entaché le début du quinquennat Hollande, n’échappera pas à la détention. Une peine égale ou inférieure à deux ans d’emprisonnement ouvrirait la possibilité d’un aménagement de peine – sous le régime de la semi-liberté ou avec un bracelet électronique.

Pourfendeur de la fraude fiscale lorsqu’il était au gouvernement, Jérôme Cahuzac avait menti pendant des mois, “les yeux dans les yeux” de ses proches, des parlementaires, des médias. Il avait finalement avoué en avril l’existence d’un compte dissimulé à l’étranger: 600’000 euros en Suisse, transférés à Singapour en 2009 via des sociétés offshore.

Sentiment d’impunité

Un déni persistant signe de “quelque chose de plus noir”: un puissant “sentiment d’impunité”. “L’impunité, c’est penser que la loi, c’est pour les autres”, a attaqué l’avocat général en débutant son réquisitoire.

“Vouloir tout et son contraire”, “penser qu’il est possible de faire fortune d’un côté” et “de donner des leçons de morale fiscale” de l’autre: le magistrat a fustigé un homme qui n’a pas su “faire des choix”.

La “déflagration” causée par le scandale “a eu de multiples conséquences sur le fonctionnement de notre vie politique, sur la transparence, la lutte contre les conflits d’intérêt”, a-t-il rappelé, évoquant la création en 2013 d’un parquet national financier, puis d’une agence anticorruption.

Rastignac et Thénardier

Il a convoqué tour à tour les exemples de Rastignac et l’époux Thénardier, deux comparaisons peu flatteuses inspirées de la littérature du XIXe siècle, de Mazarin et Fouquet, deux symboles de l’Ancien Régime à la fortune tapageuse.

“Ce sont des comportements qui, véritablement, n’appartiennent plus, ne doivent plus appartenir à notre société et en réalité n’y appartenaient plus depuis longtemps”, a-t-il dit.

Dans ces conditions, seule une peine de prison effective permettra à la justice de sanctionner une faute qui a rompu “durement et durablement” l’équilibre social, a encore déclaré le magistrat du parquet.

Le principal enjeu de ce second procès réside en effet moins dans la culpabilité ou non de Jérôme Cahuzac que dans le sort qui lui sera réservé. Durant l’audience, celui qui fut l’incarnation de la lutte contre les fraudeurs a exprimé le “sentiment assez banal de peur” devant la perspective d’être incarcéré.

Prison requise pour un ex-avocat

L’avocat général a aussi requis la confirmation de la condamnation d’un ancien avocat genevois à un an de prison avec sursis et à l’amende maximale de 375’000 euros, pour avoir orchestré le transfert des avoirs de Suisse à Singapour.

Les autres protagonistes de l’affaire avaient renoncé à faire appel: l’ex-épouse de Jérôme Cahuzac, Patricia Ménard, condamnée à deux ans de prison, la banque genevoise Reyl et son patron, qui ont écopé de l’amende maximale.

Le procès doit s’achever mercredi avec les plaidoiries de la défense de Jérôme Cahuzac, assurée notamment par le ténor du barreau Éric Dupond-Moretti.

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