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Quand le champignon protège son arbre de la sécheresse

Coupe transversale dans le champignon mycorhizien C. geophilum sur un pin. Le champignon (en vert) forme un manteau autour des extrémités de racines et pénètre entre les cellules de l’écorce des racines (noir). C’est là que s’effectuent les échanges de nutriments. Maira de Freitas Pereira/INRA/WSL sda-ats

(Keystone-ATS) Le décryptage du génome du champignon symbiotique Cenococcum geophilum a montré qu’il a perdu au cours de son évolution des centaines de gènes afin de s’adapter à son arbre hôte. Mieux, il le protège de la sécheresse.

C. geophilum est un champignon mycorhizien, qui vit en symbiose avec des arbres en forêt. Les filaments du mycélium poussent dans le sol ainsi que dans et autour des extrémités de racines des arbres, et les aident par ce fin réseau à prélever les nutriments et l’eau dans le sol. Les champignons mycorhiziens comprennent des champignons comestibles bien connus comme le bolet, la girolle et la truffe.

Une équipe internationale comprenant des chercheurs de l’Institut fédéral de recherche sur la forêt, la neige et le paysage (WSL) a déchiffré le patrimoine génétique de ce champignon, qui est un des plus fréquents dans les zones arctiques, tempérées et subtropicales, surtout dans les habitats extrêmes.

Les extrémités des racines du champignon sont renforcées par de la mélanine, ce colorant sombre qui teinte également les cheveux humains, et résistent plus longtemps à la sécheresse que les autres espèces de mycorhizes. Ces mycorhizes sont donc étonnamment nombreuses, surtout lorsque le sol est très sec.

D’après les auteurs de l’étude, cela indique le rôle important de C. geophilum pour la résistance à la sécheresse des arbres qui l’accueillent. Les scientifiques ont ensuite comparé le génome et ses produits avec 60 génomes de champignons déjà déchiffrés.

Canaux hydriques

Résultats: deux des trois gènes de C. geophilum les plus fortement activés dans la symbiose servent à la fabrication de canaux hydriques à travers les membranes de cellules, les aquaporines. En cas de sécheresse, le champignon modifie considérablement la production de ces canaux, ce qui joue vraisemblablement un rôle important pour l’adaptation des arbres hôtes à la sécheresse.

Les scientifiques ont trouvé par ailleurs de nombreux gènes qui sont activés en symbiose et fabriquent des protéines signaux, véritables messagers pour la communication entre l’arbre et le champignon. Par ailleurs, le champignon a perdu des centaines de gènes suite à son étroite alliance avec les arbres, souligne le WSL mercredi dans un communiqué.

Dépendant de l’arbre

C. geophilum est le seul champignon symbiotique dans une large classe qui comprend de nombreuses souches responsables de maladies végétales. Or, il a perdu la plupart des gènes qui fabriquent des enzymes permettant de décomposer les parois des cellules des plantes, afin d’en tirer du carbone.

C’est pourtant une capacité importante pour les agents infectieux, mais aussi pour les champignons qui décomposent la matière organique morte dans le sol. Mais C. geophilum évite ainsi que l’arbre hôte n’active ses défenses pour le repousser. Sans ces enzymes, il tombe sous la dépendance de l’arbre qui lui fournit du carbone sous la forme de sucre.

Lutte contre la sécheresse

Des symbioses entre champignons et arbres se sont maintes fois développées de manière indépendante dans l’évolution, et pourtant les génomes des différents champignons mycorhiziens présentent des ressemblances frappantes. On retrouve les mêmes adaptations au style de vie symbiotique de C. geophilum chez des champignons dont les ancêtres communs datent de plus de 100 millions d’années.

Les auteurs soulignent encore dans la revue Nature Communications que la génomique, en combinaison avec les études physiologiques et écologiques, peut mettre au jour de nouvelles relations intéressantes – par exemple la manière dont les communautés mycorhiziennes, les grands processus dans le sol et la production de biomasse en forêt sont liés les uns aux autres.

De telles connaissances pourraient aider à sélectionner des souches résistantes à la sécheresse de C. geophilum et à assister ainsi les arbres hôtes dans les régions où la sécheresse progresse.

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