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Référendum lancé contre une loi jugée “intrusive”

(Keystone-ATS) Logiciels espions, enregistrement de données digne de la NSA américaine: une alliance de partis et d’organisations lance un référendum contre la nouvelle loi sur la surveillance de la correspondance. Elle dénonce une “intrusion massive dans la vie privée.”

La révision de la loi sur la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication introduit deux nouveautés: une durée de conservation des données secondaires plus longue, à six mois. Et la possibilité pour la police d’utiliser des logiciels espions qui permettent de décoder des messages de criminels potentiels comme des terroristes, des pédocriminels ou des criminels financiers.

“La révision est trompeuse et disproportionnée. Tous les ordinateurs et smartphones privés pourront être surveillés par les chevaux de Troie de l’Etat. Cela affaiblit la sécurité du système en général et met en question la validité des preuves ainsi obtenues”, a fait valoir mardi à Berne le président de la Jeunesse socialiste suisse (Juso) Fabian Molina.

Il était accompagné par des représentants des sections jeunes de l’UDC, du PLR et des Vert’libéraux, ainsi que par le parti Pirate. Des organisations actives dans les technologies de l’information étaient également présentes.

Les Verts, absents lors de la conférence de presse, ont annoncé leur soutien au référendum. Pour le conseiller national zurichois Balthasar Glättli, cité dans un communiqué, il n’est pas acceptable que l’Etat puisse “enquêter sur de simples vols ou des déprédations à l’aide de chevaux de Troie au même titre que sur des crimes graves”.

Données “en danger”

Selon la révision de la loi, les fournisseurs de services postaux comme les opérateurs de télécommunications devront conserver durant six mois les données secondaires. Ces informations permettent de savoir qui a communiqué avec qui, à quelle date, pendant combien de temps et avec quels moyens techniques.

Les données récoltées pourraient être conservées à l’étranger, selon le libre choix du fournisseur. “Aussi dans des pays dont on n’a pas la preuve qu’ils respectent les lois sur la protection des données”, a affirmé le conseiller national Franz Grüter (UDC/LU), également entrepreneur dans le domaine. L’UDC et les Verts s’étaient engagés en vain au Parlement afin que ces données secondaires soient conservées en Suisse.

“Pas efficace”

La loi obligera aussi La Poste, les opérateurs de télécommunications comme Swisscom, les services de messagerie électronique type Skype, les forums en ligne, les lieux offrant du Wi-Fi comme des hôtels ou des hôpitaux ou encore les revendeurs de cartes Internet ou de téléphone, à collaborer en cas d’enquêtes sur de dangereux criminels.

Mais cet arsenal n’est pas efficace, a assuré le vice-président des jeunes Vert’libéraux Pascal Vuichard. “Des fournisseurs populaires comme Whatsapp, qui compte un milliard d’utilisateurs dans le monde, n’ont pas leur siège en Suisse et ne seront donc pas couverts par la loi.” L’extension de la loi aux entreprises suisses leur fera simplement du tort sur le plan économique.

Antennes “antidémocratiques”

De plus, les logiciels mouchards dits “government software” (GovWare) et des IMSI-catchers (des antennes cachées qui permettent d’espionner les téléphones portables) pourront désormais être employés dans le cadre de procédures pénales.

Avec ce système, “tous les téléphones mobiles des environs seront identifiés. Car ces antennes émettent plus fortement que toutes les autres”, a expliqué le vice-président des Pirates et expert en informatique Patrick Stählin.

Fantôme de Snowden

Plusieurs orateurs ont invoqué l’ex-employé américain de la NSA, devenu lanceur d’alerte, Edward Snowden. Depuis ses révélations, “on sait que la surveillance de masse des citoyens n’est pas un hasard, mais l’action d’un courant anti-démocratique réfléchi”, a asséné l’activiste digitale Sabrina Schleifer.

De nombreux garde-fous sont toutefois prévus par la loi: seul un tribunal pourra ordonner cette surveillance dans le cadre de procédures pénales. De plus, uniquement les données utiles à l’enquête seront gardées. Le transfert des données à l’autorité de poursuite pénale compétente devra être sécurisé.

Les référendaires ont jusqu’au 7 juillet pour récolter 50’000 signatures. Franz Grüter s’est dit “optimiste”. Au Parlement, la révision a bénéficié d’un large soutien parmi tous les partis.

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