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Signes religieux: le Conseil fédéral s’en remet aux cantons

Le Tribunal fédéral s'est prononcé en 1990 contre la présence de crucifix dans les salles de classe. Cet arrêt n'est toutefois pas pleinement appliqué (archives). KEYSTONE/GAETAN BALLY sda-ats

(Keystone-ATS) La Suisse ne suivra pas le modèle français. Le Conseil fédéral ne veut pas légiférer sur l’affichage et le port de symbole religieux dans les édifices publics. Selon lui, la majeure partie des conflits peut être résolue sans intervention des tribunaux.

Les autorités communales et cantonales, et les autres institutions appelées à intervenir, sont en général parfaitement à même de trouver des solutions pragmatiques. Elles connaissent les réalités locales et disposent de nombreuses possibilités pour prévenir ou désamorcer les conflits directement avec les personnes concernées, note le gouvernement dans un rapport demandé par le Parlement.

Ces approches sont bien plus efficaces que les réglementations rigides. Comme exemple de solution pragmatique, le Conseil fédéral évoque l’autorisation faite à une élève de porter un burkini pour participer à un cours de natation obligatoire. S’il revient sur l’affaire de la poignée de main de Therwil (BL), il se contente d’un rappel des faits.

Le gouvernement souligne que les rapports entre l’Eglise et l’Etat relèvent des cantons. Ce fédéralisme “est profondément ancré dans nos traditions et a largement fait ses preuves”. La Suisse doit suivre sa propre voie, selon le Conseil fédéral qui note que la Cour européenne des droits de l’homme laisse à chaque Etat une latitude appréciable pour légiférer.

Crucifix

Si les symboles religieux affichés sur des bâtiments ou portés par des individus font partie du quotidien, la situation varie d’une région à l’autre, rappelle le Conseil fédéral. Quand bien même des principes généraux ont été définis par le Tribunal fédéral.

Les juges de Mon Repos se sont ainsi opposés en 1990 à la présence de crucifix dans les salles de classe, au nom de la neutralité religieuse de l’Etat dans l’instruction obligatoire. Cet arrêt, qui ne vaut que pour les salles de classe des écoles publiques, n’est toutefois pas pleinement appliqué dans la pratique.

Dans les cantons catholiques, 61 à 88% des établissements scolaires comportent des symboles religieux. Le Conseil d”Etat tessinois estime que les crucifix ont toujours leur place dans les entrées et les couloirs des édifices scolaires. Et en Valais, on trouve des croix, plus rarement des crucifix, dans de très nombreuses salles de classe.

En revanche, les cantons laïques de Genève et de Neuchâtel rejettent l’affichage de symboles religieux dans les salles de classe mais aussi dans les tribunaux. Un exemple retenu par le gouvernement jurassien.

Port du voile

Le Tribunal fédéral s’est aussi prononcé contre le port d’un signe religieux par le personnel enseignant. Il a admis le licenciement par le canton de Genève d’une enseignante du primaire qui refusait de retirer son foulard. En Valais et au Tessin, le nombre d’écoles qui comptent des employés portant une coiffure religieuse est toutefois relativement élevé.

Tel est également le cas dans les cantons qui, comme Bâle-Ville, connaissent une population dense aux origines religieuses et culturelles variées. Dans son rapport, le Conseil fédéral note que les symboles religieux portés par des personnes ne sont pas forcément associés à à la religion mais aussi à une appartenance culturelle.

Concernant le port du voile par des élèves, le Tribunal fédéral s’est prononcé deux fois. D’abord pour dire qu’une interdiction doit avoir une base légale claire et explicite. Puis pour préciser qu’une interdiction générale est disproportionnée.

Les juges n’ont laissé la porte ouverte qu’à une interdiction ponctuelle s’appuyant sur un intérêt public prépondérant (déroulement pacifique de la vie scolaire, préservation de la paix religieuse, protection de la liberté de conscience des autres élèves, intégration des élèves ou application de l’égalité des sexes).

Conflits

Les conflits ne sont pas pour autant inexistants. Les établissements de formation et les prisons en sont régulièrement le théâtre. La fréquence des différends varie. Elle est plus forte dans les régions qui ont développé leur propre approche face à la religion (tradition catholique au Valais ou laïque à Genève) ou à grande mixité religieuse et culturelle (Bâle-Ville).

Les autorités sont beaucoup plus sensibles aux conflits que par le passé. Seulement 9% des cas aboutissent devant le juge.

Et le tribunal parvient généralement à trouver un bon équilibre entre les libertés fondamentales individuelles et l’intérêt de la société, note le Conseil fédéral. Les cantons, les communes et les institutions s’appuient ensuite sur la jurisprudence pour élaborer des guides pratiques.

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