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Simonetta Sommaruga lance la campagne contre l’initiative de l’UDC

(Keystone-ATS) L’initiative de l’UDC sur les criminels étrangers ne respecte pas les principes fondamentaux de la démocratie. Pire, elle nuirait à la place économique suisse. Simonetta Sommaruga a lancé mardi la campagne en vue de la votation du 28 février.

Les Suisses ont déjà adopté une initiative de l’UDC sur le renvoi des criminels étrangers en novembre 2010. Mais entre-temps le parti a lancé un second texte “pour le renvoi effectif” afin d’imposer ses propres vues. Le sort de cette initiative “de mise en oeuvre” est désormais dans les mains des votants.

L’économie doit se mobiliser

A l’instar de 40 conseilleurs aux Etats, la ministre de justice et police Simonetta Sommaruga estime que les milieux économiques doivent se rendre compte de l’enjeu. L’initiative de mise en oeuvre remet en cause les atouts pour la place économique que sont la stabilité et la sécurité du droit.

En étant en contradiction avec des garanties internationales des droits de l’homme et l’accord sur la libre circulation des personnes avec l’UE, le texte de l’UDC compliquerait les relations avec Bruxelles et notamment les discussions sur l’application de l’initiative sur l’immigration de masse.

Droits de l’homme non respectés

Cet aspect de politique extérieure n’est de loin pas le seul mis en avant par la conseillère fédérale. L’initiative de l’UDC rompt avec les règles fondamentales du droit en Suisse. Elle met les tribunaux hors jeu avec toute une série de renvois automatiques et reviendrait à traiter les étrangers comme des individus de seconde classe.

Une jeune femme bien intégrée pourrait être expulsée après avoir endommagé un bâtiment avec un graffiti parce que, quelques années plus tôt, elle a insulté son voisin, a expliqué Simonetta Sommaruga. Le texte de l’UDC n’est pas une proposition de mise en oeuvre de la première initiative, mais bien un nouveau durcissement qui inclut des délits mineurs, selon elle.

Il faudrait expulser bien plus avec l’initiative de mise en oeuvre qu’avec la solution retenue par Parlement, selon le directeur de l’Office fédéral de la justice Martin Dumermuth. Une estimation évoque respectivement 10’000 et 4000 personnes, mais ces chiffres sont à prendre avec des pincettes.

Séparation des pouvoirs mise à mal

L’initiative de mise en oeuvre viole en outre la séparation des pouvoirs qui prévaut actuellement, estime le Conseil fédéral. Non seulement le peuple s’érigerait en tribunal, mais il remettrait en cause le rôle accordé au Parlement.

C’est à ce dernier qu’il revient d’appliquer une initiative adoptée par le peuple et notamment de résoudre les problèmes de compatibilité avec les autres principes inscrits dans la constitution. Et si les initiants ne sont pas satisfaits, ils peuvent lancer un référendum.

Or l’UDC n’a pas opéré de cette manière. Il a lancé sa deuxième initiative avant même que l’Assemblée fédérale se prononce afin de faire pression sur elle. Mais la démarche n’a pas abouti.

Après moult discussions, les Chambres fédérales ont élaboré leur propre loi d’application de la première initiative. Celle-ci offre une petite marge de manoeuvre aux juges avant d’expulser des criminels étrangers. Elle ne pourra entrer en vigueur que si le peuple dit “non” au texte de l’UDC.

Chaos programmé

En cas de “oui”, des adaptations seront nécessaires, selon Martin Dumermuth. Ce sera le “chaos programmé”, a averti le président de la Conférence des directeurs cantonaux de justice et police, le Bernois Hans-Jürg Käser.

Une initiative est en effet applicable dès le jour même de son acceptation. Or, faute de connaître tous les tenants et aboutissants, les cantons ne pourront pas prévoir les mesures nécessaires pour une application concrète, comme adapter les lois ou engager du personnel.

L’initiative est certes très détaillée, mais elle ne règle pas tout, a souligné M. Käser. Elle ne dit pas quelles autorités sont impliquées et qui assume les coûts, ni ce qui se passe si plusieurs cantons sont concernés parallèlement. Comme elle recoupe le droit actuel sur certains points, il y a en outre un risque de pratique contradictoire dans l’application des renvois, voire même de doublons financiers.

Le texte de l’UDC ne sera pas soumis dans son intégralité au peuple le 28 février. Le Parlement l’a partiellement invalidé. Il a biffé la disposition limitant les normes impératives du droit international à “l’interdiction de la torture, du génocide, de la guerre d’agression, de l’esclavage ainsi que l’interdiction de refouler une personne vers un Etat où elle risque d’être torturée ou tuée”.

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