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Syrie: recrudescence des attaques contre les hôpitaux en 2016

L'année 2016 a été l'année la plus dangereuse à ce jour pour les professionnels de santé en Syrie, révèle une nouvelle étude publiée mercredi. Ici les restes d'un hôpital soutenu par Médecins sans frontières, bombardé en février 2016 (archives). KEYSTONE/EPA MSF/SAM TAYLOR / MSF / HANDOUT sda-ats

(Keystone-ATS) La communauté internationale doit s’engager davantage pour protéger le secteur de la santé en Syrie, cible l’année dernière d’un nombre sans précédent de bombardements. Au moins 814 soignants ont été tués depuis le début de la guerre en Syrie en mars 2011.

L’année 2016 a été la plus dangereuse jusqu’à présent pour le personnel médical en Syrie, visé par de multiples attaques, meurtres, emprisonnements, enlèvements et actes de torture, rapporte le professeur Samer Jabbour de l’Université américaine de Beyrouth. Ce dernier est l’un des auteurs d’une étude sur le sujet, publiée mercredi dans la revue médicale britannique The Lancet.

“Ces violations du droit humanitaire international et des droits de l’homme sont restées largement sans réponse de la part de la communauté internationale, malgré leurs conséquences énormes”, souligne-t-il. “Il y a eu des dénonciations (…), mais peu d’action.”

Publiée pour marquer le sixième anniversaire du conflit syrien, l’étude utilise des données issues de sources variées afin d’évaluer l’effet de la guerre sur le secteur médical et ses acteurs. Elle constate que la santé est utilisée comme une “arme” qui se retourne contre les civils, qui se voient refuser l’accès aux soins.

Chiffre “sous-estimé”

Selon l’enquête, 814 personnels médicaux ont été tués entre mars 2011 et février 2017, un chiffre “largement sous-estimé” selon son co-auteur, en raison de la difficulté de collecter des données fiables. Près de 200 attaques ont eu lieu sur des centres médicaux rien que l’année dernière, poursuit l’étude. Cette dernière souligne l’existence de bombardements répétés sur les hôpitaux en vue de les faire fermer.

Après 90 attaques sur des hôpitaux en 2015, l’année 2016 a vu cette tendance augmenter, pour aboutir à 199 attaques. Et 94% d’entre elles ont été menées “par le gouvernement syrien et ses alliés, y compris la Russie”.

A Hama, dans l’ouest de la Syrie, l’hôpital Kafr Zita Cave a été bombardé 33 fois depuis 2014. A Alep-Est, l’hôpital M10, dans le quartier d’Al Sakhour, a été la cible de 19 attaques en trois ans, et détruit en octobre par des avions russes et des hélicoptères syriens.

En février, Médecins sans frontières (MSF) avait également pointé du doigt les armées russe et syrienne dans le bombardement de deux hôpitaux du nord-ouest de la Syrie en février 2016. L’un des deux établissements était soutenu par l’ONG.

“Avec le temps, le ciblage est devenu plus fréquent, plus évident et plus étendu géographiquement. A notre connaissance, ce niveau de ciblage des installations de santé n’est apparu dans aucune autre guerre dans le passé”, estime Jabbour.

Médecins très touchés

Selon des chiffres fournis par l’ONG américaine Physicians for Human Rights (PHR), 782 soignants ont été tués entre mars 2011 et septembre 2016, auxquels sont venus s’ajouter 32 décès survenus entre octobre 2016 et février 2017, selon les chercheurs.

Sur les 782 tués, 55% l’ont été dans des bombardements, 23% lors de fusillades, 13% à la suite de tortures tandis que 8% ont été exécutés. Un tiers environ de ces victimes étaient médecins.

Mais la guerre a également fait fuir la moitié des praticiens présents avant la guerre, soit plus de 15’000 personnes entre 2011 et 2015. Ainsi, dans la partie orientale d’Alep, il ne reste plus aujourd’hui qu’un médecin pour 7000 habitants contre 1 pour 800 en 2010.

L’exode concerne plus particulièrement les docteurs expérimentés, ne laissant souvent sur place que des jeunes insuffisamment formés en raison de la guerre, relève encore l’étude. Les médecins sont par ailleurs concentrés dans les zones sous contrôle gouvernemental, alors que dans les autres, les rares soignants encore présents doivent non seulement gérer l’afflux de victimes mais également faire face à des pénuries de médicaments, des épidémies ou des attaques chimiques.

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