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Tamedia rachète la BaZ et Christoph Blocher investit dans le “local”

Christoph Blocher (à gauche) a déclaré la vente de la BaZ "nécessaire" face à la concentration de la presse. Pietro Supino (à droite) a annoncé que le quotidien bâlois restera ancré dans la cité rhénane tout en s'intégrant dans le réseau commun des titres de Tamedia. KEYSTONE/GEORGIOS KEFALAS sda-ats

(Keystone-ATS) Tamedia rachète la Basler Zeitung à la société Zeitungshaus, contrôlée par Christoph Blocher. En contrepartie, cette dernière rachète au groupe de médias zurichois sa participation aux journaux gratuits GHI, Lausanne Cité et Tagblatt der Stadt Zürich.

Ces transactions, dont les montants ne sont pas divulgués, sont soumises à l’aval de la Commission de la concurrence (COMCO), a indiqué mercredi Tamedia. Avec cette opération, l’éditeur du Tages-Anzeiger étoffe son portefeuille à travers le pays, sachant qu’il contrôle déjà la Tribune de Genève, 24 heures, 20 minutes, Le Matin et Le Matin Dimanche.

Outre-Sarine, Tamedia détient notamment le Tages-Anzeiger à Zurich, la Berner Zeitung et le Bund (tous deux à Berne), le Landbote (Winterthour), la SonntagsZeitung et Finanz und Wirtschaft.

“Préférer la qualité à la diversité”

“La Basler Zeitung (BaZ) est profondément enracinée dans le nord-ouest de la Suisse et s’adapte parfaitement à nos quotidiens de Berne et de Zurich”, a déclaré Pietro Supino aux médias réunis à Bâle. La BaZ restera ancrée à Bâle avec une rédaction régionale forte, malgré son intégration au réseau de Tamedia, a assuré le président du conseil d’administration du groupe zurichois.

“Nous allons revoir ses structures”, a-t-il toutefois ajouté tout en refusant d’évoquer les conséquences possibles sur le personnel. Face à la situation difficile dans la branche, il faut “unir les forces” pour “renforcer la qualité et l’indépendance” des médias et préférer la qualité à la diversité, lorsque les ressources sont limitées, selon lui.

Propriétaire de la BaZ ces dernières années, Christoph Blocher estime que la concentration actuelle de la presse menaçait l’avenir de la BaZ sous sa forme actuelle. Elle a rendu sa vente d’autant plus “nécessaire”. “Couvrir soi-même toutes les rubriques devient trop cher”, affirme l’ancien conseiller fédéral UDC.

Markus Somm restera rédacteur en chef de la BaZ pendant six mois après la reprise du journal. Il travaillera ensuite pour Tamedia en tant que chroniqueur.

Blocher investit en Suisse romande

La contrepartie au rachat de la Basler Zeitung est constituée par l’extension de la société Zeitungshaus. Au cours du deuxième trimestre, Zeitungshaus reprendra du coup la société Tagblatt der Stadt Zürich, détenue à 65% par Tamedia et à 35% par Lokalinfo SA. Cette société édite l’hebdomadaire local gratuit du même nom.

Tamedia vendra également à Zeitungshaus les participations au GHI (Genève) et à Lausanne Cités (jusqu’ici détenues à 50% par Tamedia) ainsi que les journaux gratuits Furttaler et Rümlanger (détenus jusqu’ici à 100% par Tamedia).

“Je ne pourrai pas diriger la Suisse romande” à travers les deux titres gratuits lémaniques, a ironisé Christoph Blocher qui voit dans la presse gratuite locale “l’avenir du Print”. Affirmant qu’il ne voulait pas influer sur le travail des rédactions de son groupe, le politicien UDC âgé de 78 ans a tout de même annoncé qu’il n’engagerait “certainement pas des révolutionnaires de gauche”.

Dernier mot pas encore dit

Le groupe SPN, co-propriétaire de GHI et Lausanne Cités, ne semble toutefois pas vouloir se laisser faire. Il souligné qu’il “garde toutes les cartes pour décider de l’avenir des deux titres” en vertu de son droit de préemption.

A travers sa filiale nouvellement créée Swiss Regiomedia, Zeitungshaus a racheté en automne dernier 24 titres gratuits locaux. Ce nombre est donc appelé à s’étoffer avec le rachat des cinq journaux du même type, appartenant jusqu’ici à Tamedia.

Paysage chahuté

Le rachat de la Basler Zeitung intervient dans un contexte chahuté. Tamedia a procédé à des rationalisations avec la création de rédactions communes à Zurich et à Lausanne.

De plus, Tamedia est un actionnaire de référence de l’Agence Télégraphique Suisse (ATS). Cette dernière se trouve en grande difficulté après la décision de son conseil d’administration de l’amputer d’une partie de son chiffre d’affaires, avec à la clef la suppression de plus de 35 postes dans sa rédaction.

Syndicats plus qu’inquiets

Selon Syndicom, Tamedia continue ainsi d’étendre sa position dominante et d’appauvrir la diversité médiatique. Le groupe détient près de la moitié des quotidiens suisses, rappelle le syndicat qui dénonce des “pratiques commerciales nuisibles pour la branche”. Malgré un bénéfice de 170 millions de francs en 2017, le groupe met en oeuvre des économies dans ses rédactions.

Syndicom dénonce aussi les “velléités propagandistes” de Christoph Blocher qui “étend son empire”. Impressum exprime les mêmes craintes.

Selon l’organisation professionnelle des journalistes suisses, Christoph Blocher sera désormais le plus grand propriétaire de feuilles d’annonces gratuites du pays. Impressum l’appelle à respecter l’indépendance rédactionnelle.

L’organisation demande en outre à Tamedia de maintenir les emplois actuels à la BaZ. Elle craint qu’il ne reste à Bâle qu’une rédaction locale, selon une stratégie déjà mise en oeuvre pour les autres quotidiens du groupe.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

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