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Trump élu il y a un an: un langage hors normes mais peu de concret

Donald Trump est en train de secouer le cocotier politique et fait avancer le bateau américain à sa manière, résume en substance un Républicain de Genève. Keystone/AP/CHRIS O'MEARA sda-ats

(Keystone-ATS) Donald Trump a été élu il y a un an à la tête des Etats-Unis. Et depuis? Un bilan bien maigre selon des experts: beaucoup de tweets, un langage hors normes, une personnalisation à outrance, des mensonges, mais très peu d’actions concrètes, observent-ils jusqu’ici.

L’occupation presque permanente de l’espace public et médiatique du 45e président des Etats-Unis avec son abondance de tweets est “un changement brutal et important” du langage politique, estime Boris Vejdovsky, maître d’enseignement en littérature et culture américaine à l’Université de Lausanne.

Selon lui, il s’agit toutefois uniquement d’un “langage performatif”. “Le contenu de ses tweets n’a pas d’importance, ce qui compte pour lui, c’est la performance, faire croire ce qu’il veut faire croire au moment voulu. Chaque tweet en chasse un autre très vite”.

“M. Trump créé et recréé en permanence sa propre ligne historique (…) ses mensonges répétés provoquent la destruction d’un horizon de vérité”, explique ce spécialiste des Etats-Unis, interrogé par l’ats.

Banalisation du mensonge

Sans compter sa propension “historique à personnaliser la politique”. “Trump ne peut parler de rien sans parler de lui (…) Il parle comme un enfant et on s’habitue à son vocabulaire”. M. Vejdovsky s’inquiète d’une “banalisation” de ce nouveau paradigme du langage: “On est en train de s’habituer au fait que le président américain mente”.

James Foley, responsable communication pour les Republicans Overseas en Suisse romande, admet lui-même avoir été parfois choqué voire avoir eu honte de certains tweets présidentiels. Il estime toutefois que c’est un autre style, “plus populiste (…) et pourquoi pas ?”

Il reconnaît volontiers que le président “ne fait pas tout juste”, qu’il “n’est pas toujours clair avec ce qu’il dit et qu’il change beaucoup d’avis”. Donald Trump est en train de secouer le cocotier politique et fait avancer le bateau américain à sa manière, résume en substance M. Foley.

“Victoires symboliques”

“Beaucoup de paroles et peu d’actions”, observe David Sylvan, professeur de relations internationales et de sciences politiques à l’Institut de hautes études internationales et du développement de Genève (IHEID). “Donald Trump semble plus intéressé par des victoires symboliques que par des changements réels”. Il qualifie l’actuel locataire de la Maison Blanche de “oisif et paresseux”.

Son retrait des Accords de Paris sur le climat n’a aucun effet immédiat et ses déclarations sur le nucléaire iranien cachent le fait qu’il ne fait que renvoyer le dossier au Congrès, cite-t-il en exemple. “Difficile et même bizarre donc d’évaluer son bilan”, affirme M. Sylvan.

La présidente des Democrats Abroad de Suisse Kathryn Edson, elle, ne cache pas son désarroi et son inquiétude. “Il y a une atmosphère dangereuse tant aux Etats-Unis que dans le monde”. Elle ne voit jusqu’ici aucune aide et action concrète pour les gens au chômage, électorat que M. Trump avait réussi à séduire.

“La classe politique contre lui”

James Foley défend au contraire le président républicain. M. Trump “fait de son mieux malgré tous les coups de frein des démocrates et même de certains républicains (…) Toute la classe politique est contre lui, car c’est un outsider ‘antiestablishment’: c’était le candidat de la protestation (…) C’est donc plus difficile pour lui à la Maison Blanche”.

Il a malgré tout fait beaucoup de choses, notamment la nomination de juges conservateurs dans les tribunaux fédéraux d’appel et de district, ainsi qu’à la Cour suprême. M. Foley se réjouit aussi de la réforme du système fiscal en cours. Il met en revanche l’échec de l’abrogation d’Obamacare sur le dos de certains parlementaires républicains et non sur la Maison Blanche.

Sa plus grosse critique concerne la politique étrangère: “C’est un amateur et il a nommé un amateur (Rex Tillerson, ndlr) à la diplomatie américaine. Ça c’était une erreur”, juge le républicain de Genève. Mais d’ajouter sans ambiguïté: “Je suis fier de notre président. Il aime son pays. Je suis confiant, il va s’améliorer et faire le mieux possible pour les Etats-Unis”.

“Du jamais vu”

Sur la politique étrangère, MM. Sylvan et Vejdovsky sont aussi unanimes: rien de concret, une mauvaise maîtrise des dossiers, une zone nébuleuse, voire le chaos, une navigation à vue et un tempérament imprévisible.

C’est une présidence “sans aucune autodiscipline, bizarre, hors normes, bref du jamais vu”, juge le premier. “C’est une période incomparable dans l’histoire, sans points de repère (…) la seule chose dont on est certain, c’est l’incertitude”, dit le second.

M. Vejdovsky cite du bout des lèvres un point positif. “Le moins mauvais dans ce bilan, c’est l’économie, elle va un peu mieux, disons moins mal”. Mais les années Obama y sont pour beaucoup, selon lui.

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