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Turquie: le chef de l’opposition prokurde renonce à la tête de son parti

Avec M. Demirtas (c., ici lors d'une visite en Suisse en 2016) en prison, le HDP perd son principal atout en vue des élections de 2019 (archives). KEYSTONE/LUKAS LEHMANN sda-ats

(Keystone-ATS) Selahattin Demirtas, chef de l’opposition prokurde en Turquie, a annoncé jeudi qu’il ne se présenterait pas pour un nouveau mandat de co-président de son parti. Il est incarcéré depuis novembre 2016 pour activités “terroristes” après les purges du régime turc.

“Je ne me présenterai pas comme candidat à la co-présidence lors du congrès” prévu le 11 février à Ankara, a déclaré M. Demirtas dans une lettre écrite depuis sa cellule de la prison d’Erdirne (nord-ouest). Le texte a été publié jeudi par sa formation, le Parti démocratique des peuples (HDP).

Faisant allusion aux élections municipales, législatives et présidentielle prévues en 2019, Selahattin Demirtas a motivé sa décision par la volonté d'”aborder cette nouvelle période de combat politique avec plus de force”. Il entend aussi continuer la route “avec de nouveaux amis et une excitation nouvelle”.

Le HDP explique également la décision de M. Demirtas par la crainte que son incarcération ne se poursuive. Accusé notamment de diriger une “organisation terroriste”, de “propagande terroriste” et d'”incitation à commettre des crimes”, il risque jusqu’à 142 ans de prison.

“Otage politique”

M. Demirtas, 44 ans dont huit à la tête du HDP, a été arrêté avec une dizaine d’autres députés de son parti en novembre 2016 alors que les purges lancées après le putsch manqué de juillet 2016 s’étendaient aux milieux prokurdes.

Jurant qu’il ne cessera “pas un seul instant” de servir le HDP, M. Demirtas se présente dans sa lettre de jeudi comme un “otage politique”. Il accuse les autorités de le traiter ainsi par esprit de “revanche politique”.

Le HDP avait créé la surprise aux législatives de juin 2015, en obtenant 80 sièges et en privant ainsi le Parti de la justice et du développement (AKP, au pouvoir) de la majorité absolue. Mais lors de nouvelles élections convoquées en novembre de la même année, le HDP avait perdu 21 députés.

Les autorités turques accusent le HDP d’être la vitrine politique du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), une organisation classée “terroriste” par Ankara et ses alliés occidentaux. Accusations que le parti a toujours rejetées, estimant être visé pour son opposition énergique au président Recep Tayyip Erdogan.

Moderne et progressiste

Avec M. Demirtas en prison, le HDP perd son principal atout en vue des élections de 2019. Avocat de formation, il est parvenu à transformer le parti en une formation de gauche moderne et progressiste, séduisant bien au-delà du seul électorat kurde.

Se présentant comme étant à l’avant-garde sur les questions féministes, le HDP place aux postes à responsabilités à la fois un homme et une femme. Ainsi, M. Demirtas partage actuellement la co-présidence du parti avec Serpil Kemalbay, nommée en mai pour succéder à Figen Yüksekdag, elle-même incarcérée et déchue de son mandat de députée.

Jeudi aussi, un tribunal turc a condamné un député du HDP à 16 ans et huit mois de prison pour des accusations de liens avec le terrorisme, indique une source judiciaire. “Condamnation dévastatrice et poursuite de la répression contre les voix de l’opposition”, a écrit sur son compte Twitter Kati Piri, rapporteuse du Parlement européen sur la Turquie.

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