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Un demi-million de foulards blancs contre l’impunité en Argentine

Au moins un demi-million de personnes sont descendues dans les rues de Buenos Aires. La Cour suprême a accepté de raccourcir la peine d'un ex-agent paramilitaire. KEYSTONE/AP/VICTOR R. CAIVANO sda-ats

(Keystone-ATS) Des centaines de milliers d’Argentins brandissant les symboliques foulards blancs des Mères et grands-mères de la place de mai ont protesté mercredi soir à Buenos Aires. La Cour suprême a décidé d’alléger la peine d’un ancien tortionnaire de la dictature (1976-1983).

Mercredi dernier, la plus haute juridiction du pays avait accepté de raccourcir la peine d’un ex-agent paramilitaire, Luis Muiña. Ce dernier a été condamné à 13 ans de prison pour enlèvement et torture d’opposants sous le régime militaire.

Il avait profité d’une loi connue comme “Deux pour un”, en vigueur de 1994 à 2001, permettant de compter comme double chaque jour passé en détention provisoire au moment d’appliquer la peine prononcée en jugement.

La loi visait à réduire la surpopulation carcérale et aucune limite n’était prévue, pouvant ainsi s’appliquer aux délits de droit commun comme aux crimes contre l’humanité. Dans le cas de Luis Muiña, le premier à en bénéficier, il avait passé plus de neuf ans en prison avant d’être jugé.

Mardi, un tribunal fédéral a déclaré la décision “inconstitutionnelle”. Et deux autres anciens bourreaux se sont empressés de demander à bénéficier de la même mesure, provoquant un tollé dans ce pays, profondément marqué par cette page noire de son histoire.

Signe de l’émotion, les députés, puis les sénateurs ont adopté en urgence, dans la journée de mercredi et à l’unanimité, une loi limitant la portée de la décision de la Cour Suprême. Les auteurs de crimes contre l’humanité ne pourront plus bénéficier de réductions de peines.

Marée humaine

Au moins un demi-million de personnes sont descendues dans les rues de la capitale, selon les organisateurs. La police ne donne jamais de chiffres de manifestants en Argentine.

Sur scène, devant cette marée humaine, les figures des Mères et grands-mères de la place de Mai, dont Estela de Carlotto, Lita Boitano et Taty Almeida qui depuis 40 ans réclament la vérité sur le sort de leurs enfants disparus, ont harangué la foule avec leur slogan.

“Messieurs les juges : plus jamais aucun auteur de génocide en liberté. 30’000 détenus-disparus. Présents!”, ont-elles scandé, accompagnées de chanteurs, d’acteurs, de footballeurs et d’hommes politiques de tous bords.

“On doit protester pour qu’ils n’osent pas relâcher les auteurs de génocides à nouveau”, a déclaré à l’AFP Alba Cervantes, une femme qui portait autour du cou la photo de son frère disparu le 20 septembre 1977, Miguel “Cacho” Cervantes.

Des marches similaires ont eu lieu dans d’autres villes d’Argentine, telles que Neuquen, Cordoba et Rio Negro.

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