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Un Picasso volé à Rotterdam peut-être retrouvé enterré en Roumanie

A l'emplacement vide se trouvait "La liseuse en blanc et jaune" de Henri Matisse. En 2012, sept toiles de maîtres ont été dérobées dans le musée Kunsthal de Rotterdam (archives). KEYSTONE/AP/PETER DEJONG sda-ats

(Keystone-ATS) Près de six ans après le spectaculaire cambriolage d’un musée des Pays-Bas, l’un des chefs d’oeuvre volés, la “Tête d’Arlequin” de Picasso, a peut-être été retrouvé enterré dans une forêt de l’est de la Roumanie. Un message anonyme a été envoyé.

Selon le Parquet roumain chargé de la criminalité organisée (DIICOT), un tableau qui pourrait être la “Tête d’Arlequin” de Pablo Picasso “a été retrouvé samedi soir dans le département de Tulcea”. Il est estimé à environ 800’000 euros (911’680 frans).

Cette oeuvre ferait partie des sept toiles de maîtres dérobés en 2012 dans le musée Kunsthal de Rotterdam, a ajouté le Parquet. Il a toutefois précisé qu’une expertise serait menée dans les prochains jours afin d’en établir l’authenticité.

A jamais perdus?

Estimés au total à 18 millions d’euros, ces tableaux parmi lesquels figuraient également deux Monet, un Gauguin et un Matisse étaient pensés perdus à jamais. La mère du principal suspect condamné pour ce vol, Radu Dogaru, avait affirmé durant l’enquête les avoir brûlés afin de détruire des preuves incriminant son fils.

Mais un mystérieux message envoyé à une écrivaine néerlandaise d’origine roumaine, Mira Feticu, a fait renaître l’espoir de retrouver la trace d’au moins une partie de ces chefs d’oeuvre.

Il y a une dizaine de jours, “j’ai reçu une lettre en roumain avec des instructions concernant l’endroit où était caché le tableau” de Picasso, a déclaré Mme Feticu, auteur d’un roman sur ce cambriolage qualifié par les médias néerlandais de “vol du siècle”.

Au pied d’un arbre

L’écrivaine raconte alors avoir contacté un policier néerlandais qui avait travaillé sur cette affaire. “Mais lorsque celui-ci ne m’a pas rappelée comme promis, j’ai pris un avion à destination de la Roumanie”.

Elle s’est alors rendue dans une forêt de Tulcea, située à une quinzaine de kilomètres du domicile des Dogaru. “J’avais acheté deux pelles, mais quand je suis arrivée à l’endroit indiqué, j’étais tellement émue que j’ai commencé à creuser avec mes mains la terre recouverte de neige, jusqu’à ce que je tombe sur quelque chose emballé dans du plastique”, poursuit-elle.

“Ce n’est sans doute que très récemment qu’il avait été caché à l’endroit où je l’ai trouvé”, estime Mme Feticu. Les experts demeurent toutefois prudents.

“C’est un faux”

“J’ai de sérieux doutes sur l’authenticité”, a déclaré Peter van Beveren, ancien conservateur de la Collection Triton, à la télévision publique néerlandaise NOS.

“L’oeuvre peut bien sûr être complètement moisie et saccagée. Mais même dans ce cas, il y a trop d’anomalies. Les lignes, les couleurs, les détails ne collent pas. Sur base de ce que je vois, je pense que c’est un faux”, a-t-il ajouté, se basant sur une photo du tableau retrouvé.

Pigments dans les cendres

Six personnes, dont Radu Dogaru et sa mère Olga, ont été condamnées pour ce vol en 2014 à des peines allant de deux à six ans de prison ferme et à verser 18,1 millions d’euros de dommages et intérêts aux assureurs.

Suite au témoignage sur l’incendie des toiles d’Olga Dogaru, qu’elle a par la suite retracté, les spécialistes du Musée national d’histoire de Roumanie avaient analysé les cendres retrouvées dans le poêle à bois de sa salle de bain, à Carcaliu (est), et conclu qu’elles contenaient les restes d’au moins trois tableaux peints à l’huile.

Le musée s’était notamment basé sur la découverte de pigments bleu, jaune, rouge et vert à base de plomb et de zinc qui ne sont plus utilisés actuellement, selon le directeur du musée, Ernest Oberländer-Tarnoveanu.

“Vol du siècle”

Les voleurs avaient mis moins de trois minutes, dans la nuit du 15 au 16 octobre 2012, pour dérober la “Tête d’Arlequin” de Pablo Picasso, “La Liseuse en Blanc et Jaune” d’Henri Matisse, le “Waterloo Bridge” et le “Charing Cross Bridge” de Londres signés Claude Monet, “Femme devant une fenêtre ouverte, dite la fiancée” de Paul Gauguin, “Autoportrait” de Meyer de Haan et “Woman with Eyes Closed” (femme aux yeux clos) de Lucian Freud.

Malgré leur valeur, aucun des tableaux n’était équipé d’une alarme. Ils avaient été transportés cachés dans des coussins jusqu’en Roumanie où leur trace s’est perdue après une tentative infructueuse de vente. Cette vente ratée avait toutefois permis d’identifier les auteurs du vol et conduit à leur arrestation.

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