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Un souffle nouveau traverse les bunkers de l’armée suisse

L'ancien fort San Carlo, dont l'entrée se situe non loin de l'hospice du St-Gothard, sur la commune d'Airolo (TI), est lui devenu L'Hôtel La Claustra, qui signifie littéralement endroit clos (archives). KEYSTONE/URS FLUEELER sda-ats

(Keystone-ATS) A la fin de la Guerre froide, l’Armée suisse a désaffecté des milliers de bunkers et autres fortifications. Si certains d’entre eux ont été démantelés, d’autres sont transformés pour accueillir de nouveaux locataires.

Dissimulés dans les montagnes, les bunkers ont longtemps nourri l’imaginaire collectif. Leur mystère est toutefois écorné depuis quelques dizaines d’années. Faute d’utilité militaire, ils ont parfois été désaffectés et revendus. Les communes, fondations et associations qui souhaitent leur conservation pour des motifs historiques en sont les principaux acheteurs.

Disposant d’une centaine d’ouvrages entre Brugg et Koblenz (AG), l’Association des musées militaires de Full-Reuenthal est sans doute la plus importante d’entre elles. Achetés désarmés et complètement dégarnis, les édifices sont d’abord réaménagés de la manière la plus fidèle possible avant d’être ouverts au public. Un processus qui peut prendre un certain temps.

“En ce moment, nous rénovons un poste de commandement. Nous espérons qu’il sera prêt pour 2018”, indique Urs Ernst, vice-président de l’association. Outre les postes de commandement, l’association détient une grande variété d’ouvrages, du bunker d’infanterie aux barrages antichar, en passant par l’infirmerie, l’abri atomique ou le magasin de munitions.

Environ 500 personnes visitent le site par année. Elles peuvent soit se rendre dans un édifice, où un employé du musée leur racontera un bout de l’histoire du bâtiment, soit se promener d’un ouvrage à l’autre avec un guide. “Avec apéro à la clé, si souhaité”, précise Urs Ernst.

Températures stables

Outre leur capacité à faire renaître le passé, les bunkers ont bien d’autres qualités. “Leur climat est magnifique pour affiner des fromages sur la longue durée”, s’enthousiasme Jean-Baptiste Grand, directeur commercial de la société Huguenin Fromages, qui fait mûrir entre 8000 et 10’000 pièces dans le Fort de la Tine, entre Montbovon (FR) et Rossinière (VD).

“L’hydrométrie affiche presque 100% d’humidité, avec seulement 1 ou 2% de variation sur toute l’année. La température oscille également très peu, entre 11 et 11,5 degrés”, explique-t-il. “C’est une ambiance de grotte naturelle.”

Constatation similaire pour Alex Lussi. “Le climat est l’un des gros avantages des bunkers. Les températures tournent autour des 13-14 degrés en été et 11 degrés en hiver”, affirme-t-il. Propriétaire des entreprises Lussi Pilze et Gotthard Bio Pilze, l’entrepreneur fait pousser plus de 125 tonnes de champignons par an dans douze anciens dépôts de munitions à Erstfeld (UR) et dans un ancien bunker civil à Stanstaad (NW).

Réservoir d’eau

Autre utilisation: le stockage des données. “Auparavant, l’argent était conservé en Suisse. Maintenant, c’est également possible avec les données”, affirme avec humour Lydia Schröder-Strüb, directrice de la communication chez Deltalis. L’entreprise a acquis un ensemble de trois bunkers d’une superficie totale de 15’000 mètres carrés et y a installé un centre de stockage de données.

“L’endroit est idéal”, assure Mme Schröder-Strüb. Et d’énumérer ses principaux atouts: un bon accès à l’électricité et à internet, ainsi qu’un réservoir d’eau fraîche – appréciable pour le refroidissement des serveurs informatiques.

Il n’y a pas que les données qui se reposent dans le creux des montagnes suisses. L’ancien fort San Carlo, dont l’entrée se situe non loin de l’hospice du St-Gothard, sur la commune d’Airolo (TI), est lui devenu L’Hôtel La Claustra, qui signifie littéralement endroit clos.

Nuit de panique en vue? Que nenni. L’hôtel est un établissement de luxe, comprenant une zone de détente et un restaurant. D’après le gérant Rainer Greissmann, “nos hôtes perdent la notion du temps et en sont reconnaissants.”

Des privés ont également acheté des fortins militaires à des fins personnelles. L’un a fait cette acquisition de peur d’écoper d’un voisin gênant. Un autre s’en sert de cave et a construit son chalet par-dessus.

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