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TPF: dix-huit mois avec sursis partiel pour une voyageuse du djihad

La jeune femme en hijab n'a pas souhaité répondre aux questions du juge fédéral Stefan Heimgartner vendredi. KEYSTONE/LINDA GRAEDEL sda-ats

(Keystone-ATS) Une Suissesse de 31 ans “voyageuse du djihad” a été condamnée vendredi à 18 mois de prison, dont six ferme, par le Tribunal pénal fédéral (TPF) à Bellinzone. En 2015, elle avait tenté de se rendre en Syrie avec son fils de quatre ans.

La jeune femme originaire de Winterthour (ZH) a été reconnue coupable de tentative d’infraction à la loi fédérale sur l’interdiction des groupes Al-Qaïda et Etat islamique (EI). Elle bénéficie d’un sursis de trois ans sur le reste de sa peine, mais devra se soumettre à un traitement psychothérapeutique.

La confiscation de son passeport, de sa carte d’identité et de son permis de conduire est prolongée jusqu’en mars 2018, de même que l’obligation de se présenter chaque semaine à la police cantonale zurichoise. Les frais de procédure sont mis à sa charge à hauteur de 5000 francs.

Silence de l’accusée

La tête recouverte d’un hijab, l’accusée a refusé de répondre aux questions du juge fédéral Stefan Heimgartner, se bornant à déclarer que répéter encore une fois ce qu’elle a déjà dit n’apporterait rien. Elle a dit en outre ne pas souhaiter voir sa vie privée étalée une nouvelle fois dans les médias.

Titulaire d’une formation commerciale et d’un bachelor en économie d’entreprise, l’accusée avait épousé un Egyptien avec lequel elle s’était installée au Caire. Leur fils y est né en 2011, et le couple s’est ensuite séparé.

Fin 2015, ses parents annoncent sa disparition. Des échanges d’informations entre la Suisse, l’Egypte et la Grèce conduisent à son arrestation en compagnie de son fils dans ce dernier pays. La garde de l’enfant est ensuite attribuée au père.

Selon l’acte d’accusation, la convertie a vendu toutes ses possessions pour financer ce périple avec son enfant en Syrie. Elle a déboursé 12’000 francs pour un voyage organisé par des trafiquants, qui les a menés de Marsa Matrouh en Egypte jusqu’en Crète. Ils ont ensuite pris l’avion jusqu’à Athènes, avant d’être arrêtés le 2 janvier 2016 à la frontière avec la Turquie.

Zèle et entêtement

Par ses actes, la jeune mère a soutenu l’existence et l’activité criminelle de l’EI, a estimé lors du procès la représentante du Ministère public de la Confédération Juliette Noto. Elle a mis en danger la vie de son fils et pris fait et cause pour la propagande du groupe terroriste.

La procureure, qui a souligné l’entêtement et le zèle de l’accusée, a requis deux ans de prison ferme et le paiement des frais de justice.

Dans sa plaidoirie, le défenseur Lukas Bürge a déclaré qu’on ne pouvait reprocher à sa cliente aucun appel à la violence. Estimant qu’on ne saurait la punir pour avoir voulu vivre dans un système correspondant à ses convictions religieuses, il a également souligné l’insuffisance des éléments indiquant qu’elle aurait voulu faire de son fils un martyr.

Pour l’homme de loi, l’acte d’accusation est vague et ne résiste pas à un examen approfondi. Il a plaidé l’acquittement de la jeune femme ainsi qu’une indemnité pour les torts subis et la mise des frais de la cause à la charge de l’Etat.

Le tribunal ne l’a pas entendu de cette oreille. Il a infligé à l’accusée une peine similaire à celle dont avait écopé un Zurichois de 25 ans qui s’apprêtait à rejoindre les rangs de l’EI en 2015 également. Le Tribunal fédéral avait confirmé en février dernier les 18 mois avec sursis prononcés par le TPF contre le jeune homme.

Convertie en 2009

Après sa première arrestation, l’accusée avait tenté encore par deux fois de rejoindre la Syrie. À chaque fois, elle a été renvoyée. Convertie à l’islam en 2009, elle s’était peu à peu radicalisée par le biais d’Internet, notamment avec les films du prédicateur allemand Pierre Vogel. Depuis, elle est convaincue que chaque musulman a le devoir de rejoindre l’EI et de le soutenir.

L’acte d’accusation souligne qu’elle s’est détachée des valeurs occidentales et ne se voit pas d’avenir en Suisse, un pays qu’elle rejette, de même que son ordre juridique et son gouvernement. Elle est également persuadée que la Suisse est en guerre avec l’EI.

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