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UNIL: deux siècles de persécution du loup reconstitués par l’ADN

C'est une sous-espèce italienne du loup qui a recolonisé la Suisse. Ici, deux individus photographiés en novembre 2016 dans la région d'Augstbord (VS), où une meute s'est constituée. KEYSTONE/GRUPPE WOLF SCHWEIZ GWS sda-ats

(Keystone-ATS) Des chercheurs lausannois ont séquencé l’ADN de 150 loups provenant de musées européens. Objectif: mieux comprendre les conséquences des actions humaines ayant mené au déclin sans précédent de cette espèce.

Autrefois mammifère le plus répandu géographiquement sur Terre, le loup a été éradiqué de la majeure partie de son aire de distribution originelle. Y compris des Alpes suisses, où les derniers spécimens ont été tués avant la fin du XIXe siècle, avant son retentissant retour naturel il y a une vingtaine d’années.

Il n’a toutefois pas complètement disparu, puisque des musées en conservent de nombreux exemplaires dans leurs collections. Des chercheurs de l’Université de Lausanne (UNIL) ont voulu connaître les conséquences au niveau génétique de ce déclin spectaculaire, en analysant l’ADN de spécimens européens datant des 200 dernières années.

Grâce à la générosité de dizaines de musées répartis de la Norvège à la Sicile et du Portugal à la Russie, une équipe dirigée par Luca Fumagalli, du Département d’écologie et évolution de l’UNIL, a analysé des centaines d’échantillons (os et peaux) avec un arsenal de techniques de haute technologie, un défi technique d’ampleur en raison de leur faible teneur en ADN et de leur dégradation importante.

Plus de 150 loups

L’ADN de plus de 150 loups tués à l’apogée de la période de persécution (XIXe – XXe siècle) a pu être séquencé, pour ce qui constitue un des plus gros travaux d’envergure analysant de l’ADN historique, a indiqué mercredi l’UNIL dans un communiqué.

En collaboration avec Christophe Dufresnes (UNIL et Université de Sheffield, GB), ces résultats ont été comparés aux données préhistoriques et contemporaines afin de retracer l’histoire génétique du loup sur le continent européen, de la dernière époque glaciaire à nos jours. Le but était de mieux comprendre les conséquences des actions humaines ayant mené au déclin de cette espèce.

Les analyses ont montré que la diversité génétique des loups en Europe, soit le degré de variété des gènes au sein d’une population ou d’une espèce, était presque deux fois plus élevée il y a un siècle qu’elle ne l’est aujourd’hui.

En parallèle, les chercheurs ont observé moins d’accumulation de différences génétiques entre populations partiellement ou totalement isolées, ce qui est le signe d’une meilleure connectivité et de tailles de population plus grandes.

Conséquence des persécutions

Ces résultats illustrent les persécutions subies par le loup jusqu’au XXe siècle à l’échelle continentale, note l’UNIL. Par exemple, l’identité génétique de la sous-espèce italienne du loup, qui a recolonisé la Suisse, n’est que le produit de ce déclin, alors qu’elle était une lignée parmi tant d’autres, présente également ailleurs en Europe il y a à peine un siècle.

Plus intéressant encore, cette signature génétique diffère considérablement entre l’Europe occidentale et l’Europe orientale, du fait de différences culturelles et biogéographiques.

En Europe de l’Ouest, les loups ont été presque totalement exterminés. Conséquence directe: la diversité s’est effondrée au tournant du XXe siècle et la recolonisation de la part de quelques populations résiduelles a provoqué des changements drastiques de la composition génétique.

En revanche, en Europe de l’Est, où le déclin n’a jamais été aussi extrême, les niveaux de diversité et la composition génétique des populations sont globalement restés les mêmes. Ces travaux sont publiés dans la revue britannique Proceedings of the Royal Society B.

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