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Ziegler vise l”incompétence” de Cassis et achève son mandat onusien

Le Genevois Jean Ziegler achève vendredi son mandat onusien. KEYSTONE/MARTIAL TREZZINI sda-ats

(Keystone-ATS) Jean Ziegler achève ce vendredi son mandat onusien au Comité consultatif du Conseil des droits de l’homme. Au moment de partir, il dénonce la “totale incompétence” d’Ignazio Cassis et les “camps de concentration” que l’UE a établis, selon lui, en Grèce.

Selon le Genevois, âgé de 85 ans, le conseiller fédéral aurait dû protester contre les sanctions américaines qui visent le Venezuela et l’Iran. Avec l’extraterritorialité du dispositif, “il accepte que des missions étrangères en Suisse soient mises au ban des banques”, dit M. Ziegler dans un entretien à Keystone-ATS.

La Suisse viole ses obligations d’Etat-hôte et fragilise la Genève internationale, ajoute-t-il. Récemment, le chef de la diplomatie vénézuélienne Jorge Arreaza avait déploré devant le Conseil l’impossibilité pour les diplomates de son pays en fonction en Suisse d’accéder à leurs comptes. M. Ziegler a mangé avec lui lors de ce passage à Genève. Celui-ci “ne comprenait pas le silence suisse” dans cette affaire.

Le Venezuela n’a toujours pas répondu à la demande américaine de faire appel aux bons offices suisses entre les deux Etats. Opposé à toute sanction unilatérale coercitive, M. Ziegler s’est lui prononcé avec son comité onusien pour une Déclaration politique sur cette question, préparée actuellement par plusieurs pays membres.

Autre reproche, les déclarations de M. Cassis sur l’Agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) et la suspension du financement suisse sont “catastrophiques”, selon lui. M. Ziegler veut défendre l’honneur du Genevois Pierre Krähenbühl qui dirige cette institution et fait l’objet d’une enquête pour des abus, lancée après un rapport qu’il estime “sans preuves”.

“Honte” en Europe

Il pense que la Suisse veut son départ mais dit que le commissaire général ne démissionnera pas. M. Ziegler cible la “mercantilisation” de la politique de M. Cassis qui investit dans le développement là où des intérêts économiques suisses sont possibles. Il lui reproche encore de ne pas oeuvrer suffisamment pour exiger des filières de matières premières qu’elles honorent les droits de l’homme.

Son inquiétude principale actuelle porte davantage sur les centres d’accueil de migrants établis à la demande de l’UE en Grèce. L’expert s’est rendu sur place cet été pour le Comité consultatif et est revenu en colère. Des milliers de personnes sont maintenues dans des conditions “horribles” dans ces sites, dit-il.

Il a observé de la sous-alimentation, un manque d’accès à l’eau et aux soins. Face à ces “véritables camps de concentration”, il va publier dans les prochains mois un livre, “La Honte de l’Europe”. Un prolongement de son activité qui donne le ton de ses prochaines luttes. “Je vais continuer à me battre” et “j’aurai beaucoup plus de liberté”.

En près de 20 ans à l’ONU, avec une pause d’une année, le Genevois a enchaîné deux mandats comme rapporteur spécial puis dès 2009 au sein du Comité consultatif. Il revendique des succès notamment sur la Déclaration des droits des agriculteurs ou sur l’illégalité des fonds d’investissements spéculatifs de rachat à bas prix de dettes des Etats.

Inquiet sur Von der Leyen

Il est inquiet pour une ONU “indispensable” mais “en danger” en raison de la paralysie du Conseil de sécurité face aux “horreurs” en Syrie, en Centrafrique, en Afghanistan ou en Irak. La faim dans le monde augmente à nouveau et les droits de l’homme sont attaqués “partout”, notamment le droit d’asile, ajoute-t-il.

Il est aussi préoccupé par l’environnement actuel marqué par l’arrivée au pouvoir, après l’Américain Donald Trump, du Brésilien Jair Bolsonaro et, à la tête de la Commission européenne, de l’Allemande Ursula von der Leyen, “otage de l’extrême extrême droite”. Ces dirigeants veulent éliminer le multilatéralisme, affirme-t-il.

Mais il se dit encouragé par le mouvement des jeunes contre le réchauffement climatique. Et de rester “optimiste”. Notamment en raison de l’action de ses camarades Antonio Guterres et Michelle Bachelet comme secrétaire général de l’ONU et Haute commissaire aux droits de l’homme.

Et M. Ziegler souhaiterait que le bureau de la Chilienne, dont le financement dépend de l’enveloppe générale de l’organisation, puisse s’appuyer sur des ressources propres. S’il n’aura plus de mandat à l’ONU, il va rester sur une liste de spécialistes qui peuvent être activés pour des commissions d’enquête ou des réunions.

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