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Amériques noires… devoir de mémoire

Quand la Guadeloupe se rebellait contre Bonaparte l'esclavagiste. www.fiff.ch

Le Festival international de films de Fribourg propose une section intitulée «Amériques noires: images à affranchir». Pour rappeler le mensonge.

Une plage de Guadeloupe, si exotique. Un peu plus loin, quelques indigènes, et leur parler, si exotique également. Hôtel chic et ti-punch à gogo. Soleil, farniente. Pour le touriste, «Matouba» n’est plus que le nom de l’eau minérale qui accompagne ses repas, à l’ombre des flamboyants…

Pourtant, «Matouba», c’est aussi la colline où, le 28 mai 1802, le colonel antillais Louis Delgrès se suicida, avec quelque 400 compagnons, face aux troupes bonapartistes.

Bonaparte, alors Premier Consul, avait décidé de supprimer le statut départemental des Antilles, de réintroduire le «code noir», et donc de priver les afro-antillais des droits que la Révolution leur avait accordés. Retour à la case «esclave». Liberté, égalité, fraternité? Un épisode que les manuels d’histoire ne soulignent guère.

Sucre amer

Dans «Sucre amer», un téléfilm de Christian Lara, un tribunal contemporain juge le cas du Commandant Ignace (interprété par Jean-Michel Martial), officier antillais de l’armée française qui, après avoir connu le statut d’homme libre et combattu les Anglais sous le drapeau français, se rebella – comme Louis Delgrès – contre le diktat de Bonaparte.

Ignace fut abattu à Baimbridge – même si c’est sur les pentes de la Soufrière que Christian Lara a reconstitué son dernier combat. Mais c’est dans une salle d’audience parfaitement moderne que l’essentiel du film se déroule.

Un tribunal contemporain est chargé de juger son cas. Avec l’aide de jurés et de témoins dont la plupart appartiennent à l’Histoire: l’écrivain antillais Privat D’anglemont, le très borné Général Richepanse, Louis Delgrès, Victor Schoelcher (l’homme qui, en 1848, parvint à obtenir l’abolition de l’esclavage en France), et même la Martiniquaise Marie Rose Josèphe Tascher de la Pagerie, plus connue sous le nom de Joséphine de Beauharnais…

Les manipulations du 7e art

Face à l’Histoire, et surtout, à l’aulne des Droits de l’Homme, Ignace sera-t-il réhabilité? Les manuels ont manipulé la vraie Histoire, et en ont occulté une lourde partie, c’est ce que nous rappelle «Sucre amer».

Et le cinéma occidental a suivi le même chemin, en particulier concernant la population noire. En 20 films, issus de tout le continent américain (du nord au sud en passant par les Caraïbes), c’est ce que nous dit la rétrospective fribourgeoise.

Tout d’abord, en projetant quelques films qui illustrent de façon caricaturale le détournement effectué par les blancs. Par exemple «Birth of a Nation» (1915) de David W.Griffith, «une manipulation totale, une usurpation de l’image du noir» selon Beatriz Lienhard-Fernandez, responsable de cette rétrospective.

Mais aussi et surtout en montrant la cinématographie que les noirs ont développée en marge du système hollywoodien. Ainsi le cinéma dit «black independant», dont plusieurs représentants sont venus en personne à Fribourg: Haïlé Gerima, Charles Burnett, Billy Woodberry.

Utile rétrospective… La prochaine fois que vous passerez vos vacances dans «les Amériques» – que ce soit en Guadeloupe, en Caroline du Sud ou au Brésil – le regard que vous porterez sur ce et ceux qui vous entourent ne sera peut-être plus tout à fait le même.

swissinfo/Bernard Léchot

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