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Une grande entreprise de sécurité au bord de la faillite

Une personne se tient à côté d'un mur en béton, seules ses jambes et ses chaussures étant visibles.
(Image symbolique) Keystone / Christian Beutler

Après une série de scandales, l’entreprise de sécurité b.i.g., basée à Bâle, est au bord de la faillite. Environ 130 personnes se retrouvent sans emploi; les salaires n’ont pas été versés depuis deux mois.

b.i.g. est une entreprise de sécurité suisse qui a été particulièrement sollicitée ces dernières années par les communes, les cantons et la Confédération pour assurer des missions de sécurité publique. Elle emploie environ 130 personnes à travers le pays.

Mais aujourd’hui, son personnel se retrouve sans emploi. Les salaires des mois de mars et d’avril n’ont pas été versés. Nico (nom d’emprunt), agent de sécurité, témoigne: «Je dois mendier de l’argent auprès de ma famille et de mes amis, car je n’ai pas touché de salaire depuis deux mois. La société b.i.g. me doit plus de 9000 francs.»

Reprise avortée et bataille judiciaire

En janvier dernier, SRF Investigativ avait mis en lumière les pratiques commerciales douteuses de la société de sécurité.

Depuis, les événements se sont précipités. Mi-mars, l’entreprise a été vendue et rebaptisée «Condor Tech & Services AG» dans une tentative de repartir de zéro.

Mais l’opération a tourné court. L’acheteur conteste aujourd’hui la transaction, évoquant une «tromperie manifeste», comme il l’a déclaré à SRF Investigativ. L’ancien propriétaire aurait fourni des informations incomplètes, notamment sur des dettes impayées liées aux cotisations d’assurance, que ce soit pour la caisse de pension ou l’assurance accidents.

Une journaliste de SRF s’est infiltrée dans le centre d’hébergement pour requérants d’asile de la «Polizeikaserne» à Zurich, géré par la Direction de la sécurité du canton (DS). C’est cette autorité qui a confié le mandat de surveillance à la société b.i.g. Sicherheit und Services AG, pour un tarif de 41 francs par employé et par heure.

Interrogé par SRF Investigativ, Pascal Cattilaz, président de l’association faîtière des entreprises suisses de sécurité (VSSU), critique ce tarif particulièrement bas. Selon lui, «des prestations de sécurité facturées à moins de 50 francs de l’heure par employé ne peuvent pas être assurées de manière sérieuse».

Le paradoxe: la Direction de la sécurité du canton de Zurich est à la fois l’autorité qui attribue les mandats aux entreprises de sécurité privées et celle chargée de contrôler leur activité et de garantir la qualité de leurs prestations sur le territoire cantonal.

En octobre 2024, la société b.i.g. figurait encore sur la liste des prestataires de sécurité agréés. Ce n’est désormais plus le cas. Contactée par SRF Investigativ, la Direction de la sécurité du canton de Zurich précise: «Dans le canton de Zurich, l’autorisation accordée à la société b.i.g. a été révoquée, car le directeur sur lequel reposait cette autorisation a quitté l’entreprise.»

En ce qui concerne la surveillance du centre de la Polizeikaserne, l’Office cantonal des affaires sociales a rapidement trouvé une solution de remplacement en faisant appel à une entreprise disposant d’une autorisation d’exploitation délivrée par le canton de Zurich et dont le siège est situé en ville.

SRF Investigativ a eu accès à un extrait du registre des poursuites, révélant plusieurs procédures engagées contre la société b.i.g. par la caisse de pension. L’ancien directeur a affirmé à SRF Investigativ que le nouvel acquéreur était informé de ces arriérés. Les deux parties se menacent désormais mutuellement de poursuites judiciaires.

Avec le retrait de l’acheteur, la société a perdu sa capacité juridique et se dirige vers une liquidation. Les employés n’ont plus aucun interlocuteur. Beaucoup se sont tournés vers le service de consultation juridique de l’Office de l’économie et du travail du canton de Bâle-Ville.

Exclusion de l’association professionnelle

Le déclin de la société b.i.g. était prévisible. L’Association suisse des entreprises de services de sécurité (VSSU) avait déjà exclu l’entreprise de ses rangs en mars dernier.

Une journaliste de SRF Investigativ s’est fait embaucher sous couverture par plusieurs entreprises de sécurité privées. Son enquête a révélé les pratiques douteuses de certains acteurs du secteur: recrutement sans vérification sérieuse, absence de formation, salaires très bas et conditions de travail parfois précaires.

Lors d’une mission d’infiltration, la journaliste a été engagée par la société b.i.g. Sicherheit und Services AG. Affectée au centre d’hébergement pour requérantes d’asile de la «Polizeikaserne» à Zurich, elle était censée surveiller les résidentes, protéger le personnel et prévenir les conflits. Or, la société de sécurité ne l’a quasiment pas préparée à cette tâche.

Aucune vérification de moralité ou d’extrait de casier judiciaire, pourtant exigée par la loi sur la police du canton de Zurich, n’a été effectuée. Elle n’a reçu ni instruction sur les compétences requises, ni formation à la gestion des situations conflictuelles ou à la désescalade de la violence. Ces pratiques vont à l’encontre des règles de l’association professionnelle du secteur, qui a depuis exclu b.i.g. de ses rangs.

Pascal Cattilaz, directeur de la faîtière du secteur, a déclaré à SRF Investigativ: «Nous avions déjà, avant le reportage de SRF, des indications laissant penser que des irrégularités existaient au sein de la filiale suisse de b.i.g. Les révélations issues de l’enquête nous ont confortés dans notre décision d’exclure cette entreprise.»

Un projet de mariage réduit à néant

Des dizaines d’employées et employés se retrouvent livrés à eux-mêmes, attendant depuis deux mois leur salaire et s’inquiétant pour leurs cotisations sociales impayées. Pour Nico, au moins, une issue semble se dessiner: il a récemment pu signer un contrat avec une autre entreprise de sécurité.

Rien ne garantit que Nico percevra un jour les salaires qui lui sont dus. Pour l’instant, il vit aux frais de sa compagne. Le couple a dû reporter son projet de mariage à cause de cette situation.

La société de sécurité b.i.g. Sicherheit und Services AG a été vendue à la mi-mars et rebaptisée «Condor Tech & Services AG». Un mois plus tard, à la mi-avril, l’acquéreur a informé le personnel par courrier qu’il allait contester la reprise pour cause de «tromperie manifeste». Contacté par SRF Investigativ, il déclare:

«Malheureusement, peu après la signature et l’exécution du contrat d’achat d’actions, nous avons constaté que des informations essentielles fournies par le vendeur lors de la phase de due diligence — et qui ont été déterminantes dans notre décision d’acquérir l’entreprise — se sont révélées inexactes.» Il ajoute que la situation financière réelle de l’entreprise «différait, sur des points cruciaux, des chiffres qui nous avaient été présentés».

L’ancien propriétaire et ex-directeur de b.i.g. Sicherheit und Services AG a déclaré à SRF:

«Je n’ai nullement trompé M. (…). Toutes les données et les arriérés étaient connus de Condor. J’ai moi aussi mandaté mon avocat et engagé des poursuites contre Condor ainsi que contre M. (…). Les cotisations AVS et autres prestations sociales ont été versées à compte jusqu’en octobre 2024, ce que Condor savait également.»

Les deux parties ont annoncé des poursuites.

Texte traduit de l’allemand par Pauline Turuban à l’aide d’un logiciel de traduction automatique

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