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Credit Suisse devant la Cour Suprême des Etats-Unis

La corbeille de Wall Street. Credit Suisse aurait profité de l'euphorie des années 90 pour gonfler ses commissions. Keystone

Le numéro deux bancaire helvétique a-t-il manipulé la bourse en pleine «bulle informatique» des années 90 ? La Cour Suprême a examiné l'affaire mardi. Le verdict est attendu d'ici l'été.

Les investisseurs qui accusent plusieurs banques, dont le Credit Suisse, avaient perdu en première instance, puis gagné en appel. Les banques ont donc saisi la plus haute autorité judiciaire américaine.

Des investisseurs américains accusent Credit Suisse et d’autres géants de la branche, comme Morgan Stanley, Merrill Lynch, Goldman Sachs et Citigroup, d’avoir comploté pour profiter de l’euphorie de Wall Street, au temps où les startups de l’informatique suscitaient une nouvelle ruée vers l’or.

Ils affirment qu’entre 1997 et 2001, Credit Suisse et les autres banques ont violé le droit de la concurrence, en s’entendant pour faire monter les actions des startups lors d’offres publiques d’achat, afin de gonfler leurs commissions.

Conspiration sur des OPA

Les plaignants ont perdu en première instance. Le juge a estimé que les banques d’investissement bénéficient aux Etats-Unis d’une immunité vis-à-vis des lois anti-trust, car elles sont règlementées par la SEC (Securities and Exchange Commission, ou Commission des affaires en bourse).

Les plaignants ont cependant gagné en appel, ce qui a amené Credit Suisse et les autres banques visées à saisir la plus haute instance judiciaire des Etats-Unis.

Mardi, le défenseur des plaignants Christopher Lovell a fait valoir devant la Cour Suprême que «la conspiration a concerné de nombreuses offres publiques d’achat et impliqué plusieurs banques d’investissement, si bien qu’un client ne pouvait pas s’adresser à une autre banque pour obtenir une transaction plus avantageuse».

Du simple au triple

Pour l’avocat, il n’y a pas de doute: «il s’agit bien d’une affaire qui relève des lois anti-trust». Et la question de savoir quelle législation a été enfreinte est au cœur du litige.

Les clients de Christopher Lovell demandent en effet réparation financière. Or, celle-ci serait trois fois plus élevée en cas de violation des lois sur la concurrence qu’en cas de violation des règlements de la SEC.

Pour Stephen Shapiro, qui défend le Credit Suisse et les autres banques, l’affaire est bien entendu du seul domaine de la Commission.

«Le Congrès a donné à la SEC le pouvoir de définir ce qu’est une manipulation interdite du marché et ce qu’est une commission excessive», a déclaré l’avocat, qui demande à la Cour Suprême de débouter les investisseurs mécontents.

Soutien de l’administration Bush

Credit Suisse a eu l’énorme avantage de recevoir l’appui de l’administration Bush devant la Cour. L’avocat général du ministère de la Justice, Paul Clement, a ainsi soutenu qu’une offre publique d’achat suppose par nature «une conduite de collaboration» entre banques.

Un argument que l’on retrouve quasiment dans les mêmes termes dans la plaidoirie de l’avocat des banques. «C’est, en soi, une activité concertée puisqu’elle requiert une action conjointe afin d’accumuler des informations, fixer un prix, et allouer des actions aux clients», a expliqué Stephen Shapiro.

Plus largement, l’administration Bush craint que, si Credit Suisse et les autres étaient sanctionnées aux termes du droit de la concurrence, les opérations de levée de capital pourraient fléchir à Wall Street.

Et ceci nuirait à l’économie américaine à un moment où d’autres places financières commencent à rivaliser avec la bourse de New York.

‘No comment’

Le gouvernement américain ne demande pas pour autant à la Cour Suprême de débouter les plaignants. Mais il aimerait un nouveau procès.

Interrogée mercredi par swissinfo, Victoria Harman, porte-parole de la filiale américaine de Credit Suisse, affirme qu’elle «ne peut pas faire de commentaire alors que l’affaire est devant les tribunaux».

Mais elle précise qu’elle s’attend à ce que la décision de la Cour Suprême intervienne «d’ici le mois de juillet».

swissinfo, Marie-Christine Bonzom à Washington

Le Crédit Suisse, devenu aujourd’hui Credit Suisse Group, est la deuxième banque helvétique, derrière l’Union de Banque Suisse (UBS).

Ensemble, les deux leaders réalisent une bonne moitié du bilan total de toutes les banques suisses et contribuent pour près de 10% au Produit intérieur brut du pays.

Le Crédit Suisse a été fondé en 1856 à Zurich par Alfred Escher dans le but de financer l’extension du réseau ferroviaire de la Suisse et son industrialisation.

Aujourd’hui, le groupe emploie quelque 45’000 personnes, actives dans plus de 50 pays.

En 2006, le total de son bilan s’est monté à plus de 1’255 milliards de francs et son bénéfice net, dopé par la vente de la Winterthour, sa filiale assurances, a progressé de 94% à 11,3 milliards.

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