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Hip hop francophone pour envoûter la Chine

En Chine, le groupe TRIP IN a rencontré un public très enthousiaste. swissinfo.ch

La Chine a vibré le week end dernier sur les rythmes hip hop de 4 groupes venus de Suisse, de France de Belgique et de Canada. Les pays ayant le français en partage ont organisé la 15e édition de la Fête de la francophonie, qui a proposé dans toute la Chine près d'une centaine d'événements.

«Bravo! Vous êtes les champions! C’est vous qui me faites aimer le hip hop!», écrit Estelle dans le forum du site internet du groupe TRIP IN, après avoir assisté la veille au concert de ce trio suisse romand. C’était à l’Université des langues étrangères de Pékin, 3e étape d’une tournée de dix jours à travers la Chine qui passe par Canton, Chongqing, Pékin et Shanghai, à l’occasion de la semaine de la francophonie.

Estelle était parmi ces centaines de jeunes spectateurs en liesse, débordants d’enthousiasme, à s’extasier sur les rythmes de ces jeunes musiciens si pleins d’énergie positive, de talent et de sympathie.

Pour Nadir Mokdad, le rappeur nyonnais, pareil accueil est une réelle surprise. «A l’avenir, je me méfierai des préjugés. Avant de venir, j’imaginais le public chinois plutôt timide et réservé. Mais ça n’est pas du tout ce que je vis ici.»

Et le batteur Maxence Sibille d’ajouter: «C’est vrai, on est bien mieux accueillis ici que chez nous en Suisse. Ce voyage est un gros bouleversement humain. Je me rends compte qu’en Europe, on a beaucoup de progrès à faire. Une fois rentré, je vais essayer de faire en sorte que la prochaine fois que je vois un Chinois, une personne asiatique, je sois aussi avenant et lui montre autant d’amitié et de sympathie que ce qu’on a pu avoir ici.»

Nécessaire de se déchaîner

Pourquoi pareil succès? «Peut-être que les Chinois ont moins accès à tout ça. Nous, en Suisse, on est saturé, on a la chance d’avoir des concerts tout le temps», estime le guitariste et saxophoniste Maxime Steiner.

«Ou alors c’est le système communiste qui est encore bien présent, avance Maxence Sibille. Et nous leur donnons l’occasion de s’échapper un peu. Il y a aussi la pression des études, j’ai constaté qu’ils ont tous envie de réussir, qu’ils travaillent beaucoup, ont peu de vacances, que leurs parents les forcent depuis tout jeunes à faire de la musique, du sport.» Alors pouvoir se déchaîner un peu de temps en temps, c’est nécessaire.

La soirée avait commencé par le groupe québécois Samian. Elle se termine par celle de la chanteuse belge Samiur. Au milieu, les Suisses ont fait forte impression. Après leur prestation, une cohorte de fans – surtout des filles – se pressent devant les loges pour tenter de croiser leurs idoles.

Beaucoup étudient le français et apprécient la poésie des textes de TRIP IN. «Le premier groupe, avec l’accent québécois, c’était difficile à comprendre. Les Suisses, ça va mieux, c’est la même langue qu’en France», raconte une spectatrice.

Pas de censure

Une autre rappelle qu’au delà du rythme et du showbiz, le hip hop est une occasion pour les jeunes de s’exprimer, en Chine comme partout dans le monde. «Avec des chansons, on peut parler de tout, même des tabous et des choses interdites. Parce que c’est de l’art, pas de la politique», explique-t-elle.

Parler de tout, en Chine, vraiment? Oui! répondent les quatre groupes de hip hop invités, qui ont pourtant dû soumettre tous leurs textes à leurs ambassades respectives.

«C’est la première fois que cela nous arrive», déclarent les Français d’Al K Traxx, tandis que le Québécois Samian – qui se veut la voix des opprimés – revendique la liberté d’expression et ajoute qu’il «ne ferait pas carrière ici».

Pourtant rien n’a été censuré. Les ambassades ont à leur tour transmis les textes à l’Alliance française de Pékin, qui les a soumis, une fois traduits, au ministère de la culture. «Ça se passe au niveau des districts, c’est la procédure normale», explique Pauline Seguin, chargée de mission culture à l’Alliance française en Chine, qui précise que l’exercice de la traduction permet parfois de quelque peu arrondir les angles.

Echanges

«Ce serait contre-productif de risquer l’annulation des concerts en raison d’un mot qui poserait problème aux autorités chinoises», poursuit Laurent Croset, délégué général de l’Alliance française en Chine. «S’il faut retirer un mot ou une chanson, ça n’est finalement pas si grave. Ce qui nous intéresse, c’est l’échange», conclut-il.

Et échange il y a eu: plus de 1000 personnes à chacun des concerts, et des amitiés durables qui naissent entre les groupes. Côté suisse, Terence Billeter a choisi TRIP IN parce qu’il voulait «montrer que la Suisse fait partie d’une certaine mondialisation de la culture et qu’on n’est pas obligé d’avoir du cor des Alpes partout. Il y a aussi une modernité suisse qui ressemble à une modernité canadienne, belge, française ou au-delà.»

Alain Arnaud, Pékin, swissinfo.ch

C’est l’histoire d’une rencontre entre un guitariste-saxophoniste (Maxime Steiner) et un rappeur/slameur (Nadir Mokdad) romands autour de deux passions: le jazz et le hip hop.

Naît alors l’envie de conjuguer les deux styles, avec l’assistance d’un batteur (Maxence Sibille) qui vient se greffer au duo.

TRIP IN, un rap métissé qui convie à un voyage intérieur, sur un rythme entraînant et teinté d’optimisme, loin des poncifs du gangsta rap, le tout accompagné par un régisseur de génie (William Fournier) qui retravaille les sons depuis ses consoles pour en faire des boucles qui se marient au talent des improvisateurs.

L’intérêt des Chinois pour le français ne cesse d’augmenter.

Il y avait, fin 2008, 75 départements de français officiellement reconnus en Chine (contre 70 en 2007). Il devrait y en avoir plus de 80 en 2009. De plus en plus d’écoles primaires proposent le français en option à leurs élèves.

Les Alliances françaises sont très présentes et actives en République populaire. Elles y représentent 24’000 étudiants, 2’500’000 heures de cours dispensées par an, 250 professeurs, 140 employés administratifs, une progression annuelle de 10% du nombre d’étudiants, 12’000 m² de surface d’enseignement.

Le français est la langue européenne la plus enseignée en Chine après l’anglais.

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