La fin d’un réseau national très masculin
La Division Presse et Radio de l’armée suisse (DIPRA) va être dissoute. Ses tâches incomberont à d'autres organes de la Confédération ainsi qu’à la SSR.
Créée en 1939, la DIPRA est progressivement devenue obsolète depuis la chute du Mur de Berlin.
«Je regrette surtout qu’avec la DIPRA disparaisse un excellent réseau pour toutes les cultures, les langues et les médias de ce pays», déclare Rolet Loretan, chef de la DIPRA.
Ce réseau n’était pas placé sous la direction de l’armée, mais dépendait directement du gouvernement. Sa mission consistait à informer la population en cas de guerre et de paralysie des médias habituels.
«La Suisse était le seul pays d’Europe où, en cas de guerre, l’information aurait été contrôlée non pas par les généraux, mais par les autorités politiques», affirme Rolet Loretan à swissinfo. Et d’ajouter: «L’information aurait été assurée exclusivement par des professionnels des médias.»
La crédibilité des voix connues
Depuis la 2e Guerre mondiale, la DIPRA a réuni surtout des journalistes, animateurs et cadres de la Société suisse de radiotélévision (SRG SSR idée suisse), mais aussi des rédacteurs de la presse, et cela durant leur service militaire dans l’armée de milice.
L’ancien directeur général de la SSR, Antonio Riva, a été commandant militaire de la DIPRA dans les années 80. Actuellement, c’est l’ancien directeur des programmes de la Radio alémanique DRS 1, Heinrich von Grünigen, qui en est le responsable rédactionnel.
Sur les 1700 hommes que compte la troupe, 500 sont journalistes. L’idée est d’utiliser leurs connaissances de civils dans le domaine militaire, mais aussi le constat que la population a plus facilement foi en des gens qu’elle connaît, à la radio et à la télévision.
Un black out désormais impensable
«Depuis des années, la DIPRA a aussi recruté des professionnels de radios et télévisions privées», rappelle Rolet Loretan. «Nous travaillons avec le multimédia et donc, outre la radio, la TV et les journaux, avec Internet.»
Mais, depuis la chute du Mur de Berlin, le paysage médiatique s’est considérablement transformé et le développement des radios et télévisions privées a accéléré la fin de la DIPRA.
Depuis 1992, les médias privés sont tenus par la loi de reprendre les programmes de la SSR en cas de crise ou de conflit.
«Aujourd’hui, ce n’est pratiquement plus pensable que tous les médias soient muselés en même temps et que le flux de l’information soit totalement interrompu», relève encore Rolet Loretan. «La mission principale de la DIPRA était donc devenue obsolète.»
Une relique de la 2e Guerre
Par ailleurs, la Confédération a développé ces dernières années ses propres organes d’information et a engagé du personnel.
«La DIPRA est une relique de la 2e Guerre mondiale et, en raison des changements de la politique de sécurité en Europe, elle est confrontée à de nouveaux défis.» C’est ainsi que le député radical (droite) Erich Müller, a motivé en 1999 sa motion parlementaire. Laquelle a abouti en juin 2003 à la décision du gouvernement.
Créée en 1939 par l’Etat-Major général, la DIPRA a surtout joué un rôle d’autorité de censure. En 1941, elle a été placée directement sous la responsabilité du gouvernement. Ceci pour obéir à une exigence politique, selon laquelle la censure incombe au pouvoir civil et non pas militaire.
A la fin des années 80, la section censure a été dissoute. C’est aussi à cette époque que la mission première de la DIPRA – l’information de la population en cas de guerre – a commencé à perdre sa raison d’être.
Un livre de souvenirs
En 1995, l’effectif de la division a été réduit de 2500 à 1700 soldats de milice. En 1998, la DIPRA a réalisé son dernier grand exercice.
Dès le 1er janvier prochain, elle appartiendra au passé. L’armée liquide cette infrastructure devenue superflue. Ses soldats, sous officiers et officiers de milice, se verront attribuer une nouvelle affectation.
Lors de la fête célébrant l’événement, ce vendredi, le ministre Samuel Schmid a prononcé un discours en l’honneur de la DIPRA. Et puis un livre, «La voix qui traverse le béton», est publié en souvenir de cette histoire de 65 ans par l’Association des anciens.
Un bunker tout équipé
Le gouvernement suisse a défini une nouvelle réglementation de l’information de la population en situation de crise. Pour cela, il a signé une convention avec SRG SSR idée suisse et l’Agence télégraphique suisse (ats).
Et si cette information devait être interrompue, certains journalistes de la SSR auraient la mission d’informer le pays depuis le bunker du Conseil fédéral.
Ce bunker contient l’unique studio de radio numérique de la DIPRA. Il a été complété par certaines installations permettant d’accroître les émissions.
Sous le nom de «OUC 97», les 4 régions linguistiques se sont réparti un réseau de 36 émetteurs, accessibles également depuis les abris de protection civile.
Ces émetteurs sont enterrés sous le sol du bunker. En cas d’urgence, des moteurs diesel permettent de sortir des antennes télescopiques. «Comme les antennes de voitures autrefois», explique Rolet Loretan.
swissinfo, Andreas Keiser
(Traduction de l’allemand: Isabelle Eichenberger)
– La Division Presse et Radio de l’armée suisse (DIPRA) avait été créée en 1939 par l’Etat-Major général.
– Depuis 1995, elle comptait encore 1700 soldats de milice (sous-officiers et officiers compris).
– Elle sera dissoute le 31 décembre 2004.
– Ses tâches incomberont notamment à SRG SSR idée suisse et à l’Agence télégraphique suisse (ats).
– Les 36 émetteurs radio seront conservés et confiés au nouvel Office fédéral de la protection de la population.
En conformité avec les normes du JTI
Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative
Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !
Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.