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Débats croisés sur l’aide au développement

L'aide suisse en pleine action, comme ici au Burkina Faso. Keystone

Qui mérite notre aide? Alors que le Parlement doit discuter d'un nouveau paquet de 5,3 milliards, Alliance Sud sort un livre qui suscite un débat: pour en finir avec les échecs, il faut aider les pauvres à faire face – pacifiquement – à leurs dictateurs et autres profiteurs. En tenant compte des nouveaux défis.

C’est dans un contexte particulièrement tendu que le Parlement s’apprête à discuter le nouveau budget de l’aide suisse au développement: la Direction du développement et de la coopération (DDC) souffre d’une crise de gestion et certains partis et médias remettent en cause l’utilité de l’aide publique.

C’est le moment qu’a choisi Peter Niggli, directeur d’Alliance Sud – l’organisation faîtière des six principales ONG suisses – pour publier un livre : A qui profite l’aide au développement ? Controverses et nouvelles pistes, qui a fait l’objet d’un débat public à Berne.

Atteindre les Objectifs du Millénaire

«Depuis quelques années, on reproche à l’aide au développement de finir dans la poche des corrompus au lieu de diminuer la pauvreté, tonne Peter Niggli. C’est une critique justifiée, mais pourquoi aujourd’hui, alors que des études existent depuis longtemps? Parce que la Suisse a promis d’augmenter son aide – à l’instar de presque tous les pays – pour atteindre les Objectifs du Millénaire. Comme beaucoup s’y opposent, certains médias ont relayé des études scientifiques sélectives tendant à démontrer que ces Objectifs ne sont pas réalisables.»

Peter Niggli demande de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain: «Il faut distinguer l’efficacité de l’aide publique et la controverse sur la gestion de la DDC. Si l’AVS se portait mal, on ne remettrait pas en cause le paiement des rentes aux assurés!»

Alternatives

Mais Alliance Sud reconnaît que certaines critiques sont fondées. A commencer par l’instrumentalisation de l’aide: si on poursuit les intérêts de son pays au lieu de ceux des pauvres, on est amené à faire des compromis et à soutenir des corrompus.

Au lieu de cela, il faut travailler à la base. Le livre considère que le plus grand succès de l’aide est d’avoir contribué à l’émergence des sociétés civiles locales: des mouvements citoyens qui surveillent la mise en œuvre par les gouvernements des engagements internationaux – comme les droits de l’homme – et qui leur demandent des comptes sur leurs actions. Dans cette optique, la crise de 2005 au Népal constituerait un changement social important qui a débouché sur la victoire des maoïstes aux récentes élections.

Jean-François Giovannini, fin connaisseur de la coopération au développement, confirme, mais il relativise: «C’est une vague de fonds qui s’amplifie. Les gens sont plus éduqués, ils ont accès à Internet et à la télévision, s’organisent, s’assemblent et n’acceptent plus d’être opprimés. Voyez le mouvement d’émancipation des Dalits en Inde.»

En effet, le livre cite la formation et la santé, le développement rural et la création d’emplois comme les autres principaux succès de la coopération au développement. D’où la recommandations de se concentrer à nouveau – ou nouvellement ? – sur ces secteurs clés énumérés dans les Objectifs du Millénaire.

Contraintes

Mais ce n’est pas si simple. Car la tentation est forte de revenir à une politique qui serve les intérêts de la Suisse autant que ceux des pauvres – et parfois plus.

Si les ONG s’y opposent fermement, d’autres n’y voient pas de contradiction: «On ne peut séparer les intérêts de la Suisse de ceux des pays en développement!», s’exclame Jean-Daniel Gerber, directeur du Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO). Surtout que pour son département la situation se corse: «Ces pays préfèrent accepter les prêts de la Chine ou de la Russie, moins regardantes sur les questions de gouvernance, représentation des femmes, participation de la société civile ou droits de l’homme. »

Catherine Schümpferli, professeur à l’HEID, confirme: «Le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine assortissent leurs prêts de beaucoup moins de conditions. Mais leur aide est fortement liée à des considérations géostratégiques. »

La question est d’autant plus épineuse que les donateurs sont poussés à accorder de plus en plus d’aides budgétaires directes. Avec une consultation minime de la société civile, du parlement et des autorités locales. «Au Mali l’aide budgétaire est très pratiquée, note Melchior Lengsfeld, directeur d’Helvetas. Mais 80% du budget national reste dans la capitale, ce qui n’est pas très démocratique.»

De nouvelles pistes qui risquent fort de nous ramener aux vieilles controverses.

swissinfo, Isolda Agazzi/Infosud

Lors de la session d’été, les Chambres fédérales (Parlement) vont discuter des montants et affectations de l’aide aux pays du Sud pour la période 2009 – 2012.

La coopération suisse (DDC) absorbe 65% de l’aide, le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) 16%, alors que le reste est dévolu aux opérations de maintien de la paix, de promotion des droits humains et d’aide aux réfugiés.

Le gouvernement demande 4,5 milliards pour la DDC, dont un peu plus de la moitié irait à la coopération bilatérale et le reste à la coopération multilatérale, à savoir la contribution financière aux organisations internationales.

Cet argent devrait servir à atteindre les Objectifs du Millénaire – huit engagements adoptés par l’ONU en 2000 pour réduire l’extrême pauvreté.

A côté de cela figurent la promotion de la sécurité humaine et la réduction des conflits et l’instauration d’une mondialisation propice au développement. Pour le SECO, le gouvernement demande 800 millions de francs pour accroître la compétitivité et diversifier le commerce des pays partenaires.

Le nombre des pays prioritaires du SECO serait réduit de douze à sept.

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