Le CICR et la mort du commandant Massoud
Les deux meurtriers du commandant Massoud avaient cherché à recevoir l'accréditation du CICR.
Le croissant rouge afghan a en effet demandé une introduction pour les deux faux journalistes qui ont assassiné le «Lion du Panchir». Sans l’obtenir.
Le 9 août 2001, le responsable du département international du Croissant Rouge afghan demande au coordinateur de la communication du CICR à Kaboul de faciliter le travail de deux journalistes arabes de nationalité belge, Kacem Baakali (passeport EB 660119) et Karim Touzani (passeport EB 616967).
Un mois plus tard, le 9 septembre 2001, les deux faux journalistes assassinent le commandant Massoud dans la petite bourgade de Khodja Bahauddin. Deux jours plus tard, éclatent les sanglants attentats aux Etats-Unis.
Bien évidemment le Comité international de la Croix-Rouge n’a joué aucun rôle dans cet assassinat. Interrogé à Genève, le CICR affirme ne pas connaître ce document à l’en-tête de l’«Afghan Red Crescent Society», portant le numéro de référence 590, et retrouvé sur le cadavre de l’un des meurtriers du commandant Massoud.
Une télévision qui n’existe pas
«Le CICR n’organisait pas de voyages pour des journalistes qui souhaitaient se rendre au Panchir. Nous avons vraisemblablement dû dire non à cette demande du Croissant Rouge afghan», explique le service de presse du CICR.
De quoi s’agit-il? Abdessatar Dahmane et Bouari El-Ouaer, deux Tunisiens vivant en Belgique, ont rejoint l’organisation d’Al-Qaïda, d’Oussama Ben Laden en Afghanistan. A Jalalabad, ils ont reçu pour mission d’assassiner le principal opposant des taliban, le commandant Massoud, replié dans la vallée du Panchir.
Une mission difficile: ils arrivent d’une région contrôlée par les taliban et ils se réclament d’une télévision qui n’existe pas, ANI-TV, pour Arabic News International TV.
De plus, ils n’ont aucune notion de journalisme. Le reporter français Olivier Weber (1), qui a rencontré à de nombreuses reprises le commandant Massoud, a pu se procurer les questions que les faux journalistes devaient poser au «Lion du Panchir».
Des explosifs autour de la ceinture
«Comment vous allez traiter la question de Ousama Ibn Laden une fois vous êtes au pouvoir et comment voyez vous la solution pour cette question?», écrivent-ils dans un mauvais français. Ahmad Shah Massoud, étudiant au lycée français de Kaboul, comprenait en effet la langue de Victor Hugo.
La tragédie est connue: à peine cette question a-t-elle été posée que le cameraman fait sauter les explosifs autour de sa ceinture, blessant mortellement l’adversaire des taliban. L’autre faux journaliste, qui tente de fuir, est tué par l’un des proches de Massoud.
Sur les corps des deux kamikazes, de fausses accréditations de ANI-TV, de faux visas accordés par les autorités pakistanaises, des faux passeports, mais sans doute un vrai document signé par le ministère des Affaires étrangères du régime des taliban, et surtout cette lettre de l’Afghan Red Crescent Society, adressée au CICR demandant de les accréditer.
swissinfo/Ian Hamel
(1) «Le faucon afghan», Olivier Weber, éditions Pocket, Robert Laffont, 269 pages.
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