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Deux ONG accusent Glencore de piller le Congo

Dans les mines de la RDC, les conditions de travail sont très dures. Reuters

L'entreprise suisse Glencore, l’un des plus grands fournisseurs de matières premières au monde, est épinglée par une enquête sur le pillage de ressources minières en République démocratique du Congo (RDC). Des accusations refutées par l’entreprise zougoise.

Une enquête de Pain pour le prochain, Action de Carême et la Benchmarks Foundation, publiée jeudi, décortique les activités de l’entreprise zougoise en RDC. Le constat est édifiant: pillage des ressources, conditions de travail précaire, pollution et évasion fiscale.

La firme n’en est pas à son premier scandale. Au mois de février dernier, c’est pour ses activités en Zambie que Glencore a été pointée du doigt. Elle y détient une filiale, Mopani Copper Mine (MCM), un important producteur de cuivre et de cobalt. Selon un audit international commandité par le fisc zambien, cette filiale pratiquerait l’évasion fiscale à grande échelle.

Poids lourd du secteur

Avec un chiffre d’affaires de 145 milliards en 2010, Glencore International est aujourd’hui un mastodonte dans le secteur des matières premières. Basée à Baar, dans le canton de Zoug, la société possède déjà des bureaux dans une quarantaine de pays.

En RDC, ses tentacules se déploient à travers sa filiale Katanga Mining Limited (KML), qui exploite six gisements de cuivre et de cobalt sur un territoire grand comme le canton de Genève. Avec des réserves estimées à 16 millions de tonnes de cuivre, elle a de quoi nourrir la demande croissante en métal rouge des pays émergents, dont l’ogre chinois.

Pour Chantal Peyer, responsable du dossier «entreprises et droits humains» chez Pain pour le prochain, «les activités de l’entreprise suisse seraient entachées de nombreux abus en matière de droits humains, de droit du travail et de normes environnementales».

Selon une enquête menée depuis la Suisse et sur le terrain, malgré des taux de radiation élevés dans ses mines, les ouvriers ne recevraient pas des vêtements de protection adéquats. L’impact environnemental serait également désastreux: pollution des cours d’eau et de la nappe phréatique. Les tuyaux qui transportent l’eau hors des mines seraient souvent en mauvais état et les fuites se répandraient dans le sol.

Glencore nuance

Pour Simon Buerk, porte-parole de Glencore, «certains de ces problèmes sont hérités de l’époque où l’entreprise Gécamines travaillaient sur le site». Reste que parfois, l’eau drainée hors des mines est directement rejetée dans les rivières malgré le taux élevé de métaux lourds qu’elle contient.

Autre grief: le lien entre Glencore et les mines artisanales. Selon Chantal Peyer, KLM achèterait des minerais aux creuseurs artisanaux par l’intermédiaire de négociants. «Dans ces mines artisanales, rien que dans la région de Katanga, plus de 30’000 enfants transportent des sacs de plus de 20 kilos, nettoient les minerais dans les rivières ou creusent la terre à la force de leur bras».

Et, lorsque KML veut récupérer ses mines pour développer une activité industrielle, les creuseurs seraient chassés sans ménagement. Simon Buerk réfute ces accusations. Selon lui, KLM n’aurait aucun contact commercial avec ces mineurs et ces intermédiaires.

Opacité fiscale


Glencore n’est pour l’instant pas cotée en bourse et les informations financières données par la firme demeurent extrêmement sommaires. C’est l’opacité qui règne. En plus de son siège social basé à Zoug, réputée pour ses taux d’imposition très bas, Glencore possède plusieurs filiales dans des paradis fiscaux aux Bermudes ou dans les Iles Vierges britanniques.

Ces différentes filiales lui permettent une grande liberté de manœuvre dans le déplacement de bénéfices et l’optimisation fiscale. Bien qu’elle soit en passe de devenir le plus grand producteur de cuivre de RDC, KML ne paiera, selon Chantal Peyer, que des impôts minimes de 2010 à 2013, soit un million de dollars par an.

«L’image de la Suisse en RDC est très bonne. Elle a la réputation d’être une démocratie exemplaire, un champion des droits humains qui réalise des projets humanitaires et de développement concrets pour améliorer le sort de la population congolaise». Cette image idyllique dépeinte par le Département fédéral des affaires étrangères dans son rapport économique 2010 risque bien d’être écornée par les agissements du géant suisse.

Fondée en 1974, Glencore International AG dispose de 50 bureaux établis dans une quarantaine de pays différents, où elle emploie plus de 2700 collaborateurs.

Elle possède également, directement ou indirectement des exploitations dans 30 pays, où elle emploie près de 55’000 personnes.

Glencore est l’entreprise qui fait le plus gros chiffre d’affaires en Suisse. Celui-ci se montait en 2010 à 145 milliards de dollars.

Elle est aussi présente entre autres dans le capital de Xstarta (34% du capital) et Rusal (9%). Glencore n’est pas cotée en bourse. Mais des bruits courent que l’entreprise préparerait sa double introduction en Bourse sur les places de Londres et de Hong Kong.

Quel est le lien entre nos téléphones portables et le conflit qui ravage le Congo (RDC)? Le coltane.

Ce précieux métal, indispensable au fonctionnement de nos portables, provient de mines de l’est de la RDC qui alimentent les groupes armés en conflit. Un conflit qui a déjà coûté la vie à 5 millions de personnes.

Son Nokia en poche, le réalisateur Frank Poulsen a mené l’enquête. Alors tous coupables? Réponse dans Blood in the mobile projeté le samedi 12 mars au Festival du Film et Forum International sur les Droits Humains (FIFDH).

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