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A Marseille, une enclave suisse s’invite dans la campagne électorale

Domaine des Charmerettes
Le potager du domaine des Charmerettes. Alain Golea

Le domaine des Charmerettes vend une partie de ses terres pour restaurer ses bâtiments. La mairie convoite aussi un bout du «joyau». Et les Suisses se déchirent.

La campagne pour le second tour des élections municipales à Marseille bat son plein. Elle déborde même sur une parcelle helvétique. Dans une vidéoLien externe publiée sur son compte Facebook, le maire d’arrondissement, Lionel Royer-Perreaut, candidat lors du scrutin de dimanche prochain, s’affiche fièrement devant un superbe champ bordé d’arbres centenaires : le domaine des Charmerettes.

Le maire de centre-droit a des projets pour cette «propriété de 33000 m2 qui appartient à l’Etat suisse». Elle passerait, si tout se passe comme le souhaite l’élu local, dans les mains du département et deviendrait un parc public: «une plus-value considérable pour notre quartier», promet M. Royer-Perreaut.

Le maire se trompe. Les Charmerettes, sa splendide bastide datant du XVIIIe siècle, ses terres agricoles et son bois n’appartiennent pas à la Confédération mais à une fondation de droit privé suisse, la fondation Helvetia Massilia. Mais il voit juste sur la valeur du domaine en termes électoraux: un joyau au cœur d’une ville de Marseille assez pauvre en espaces verts.

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Immeubles de six étages

Or, la fondation vend. Pas la totalité du bien mais une partie. D’abord 8000 m2 à une société privée qui y construirait environ 80 logements dans des immeubles de six étages. Ensuite, la fondation négocie avec le Conseil départemental la cession d’un petit hectare de terrain qui permettrait d’agrandir un parc voisin.

«C’est la moins mauvaise solution que nous avons trouvée pour réhabiliter le site et remplir les buts de la fondation», confie son président, Valéry Engelhard: assurer les ressources et les moyens nécessaires aux œuvres philanthropiques, sociales et patriotiques de la Colonie suisse de Marseille. Autrement dit, accueillir les Suisses, organiser la fête nationale et d’autres événements. Par ses statuts, la fondation est placée sous la surveillance directe de la Confédération.

«Cette propriété de 3,5 hectares est dans un état déplorable, la bastide est laissée à l’abandon. Le seul moyen de sauvegarder ce patrimoine helvétique est de vendre une partie des Charmerettes.» M. Engelhard fournit des photos à l’appui de ses explications. On y voit une façade mal en point, des murs décrépits, des sols à refaire.

intérieur décrépi des Charmerettes
Valéry Engelhard

Suisses furieux

Problème: une partie de la communauté helvétique est vent debout contre cette cession. La Société suisse de bienfaisance (SSB) a déposé un recours contre le permis de construire. «Les Charmerettes, c’est presque 90 ans d’histoire de la communauté suisse de Marseille. On ne peut pas laisser démanteler ce domaine», s’insurge Marie-Josée Mathieu, présidente de la SSB. Son grand-père, arrivé à Marseille en 1916, donnait déjà, comme la plupart des Suisses de la cité phocéenne, un peu d’argent pour le foyer pour Suisses nécessiteux qu’abritait alors les Charmerettes. En 2012, le foyer, qui n’accueillait plus qu’une minorité de Suisses, a fermé, au grand soulagement de la fondation Helvetia Massilia.

Une vieille querelle donc. Suisses contre Suisses. La plupart descendants de la forte immigration du tournant des XIXe-XXe siècles. Aujourd’hui, la colonie helvétique n’est plus ce qu’elle était. Mais le symbole demeure. «Créer un parc public? Pourquoi pas. Mais voir un immeuble érigé sur des terres agricoles, pas question!», tonne Mme Mathieu.

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L’enjeu de la ferme

Car sur le petit joyau des Charmerettes, on cultive toujours des tomates, des aubergines, des radis et des brocolis. «On», c’est Jean-Louis Zurbuch et sa sœur Josyane, nés aux Charmerettes et dont le père travaillait sur ces terres depuis 1935. Or, le projet de la fondation Helvetia Massilia prévoit la fin des cultures et la destruction de la ferme. Et le relogement, ailleurs, des Zurbuch.

Supprimer un espace vert, cultivé, au cœur de la métropole provençale? Impossible, estiment les milieux écologistes marseillais. «La période de confinement nous a montré que la ville de Marseille était autosuffisante… un seul jour! Et certains voudraient encore supprimer des zones agricoles», déplore Alain Golea, de France Nature Environnement, qui a également déposé un recours contre le chantier. Lui aussi nous fournit ses photos, où l’on découvre un paradis sur terre. «Ici, le matin, quand les oiseaux chantent dans les arbres, vous n’êtes plus à Marseille», assure M. Golea.

Mais alors, comment assurer la survie de la bastide? Où trouver les 25’000 euros annuels nécessaires à l’entretien du site? Marie-Josée Mathieu, candidate aux municipales sur la liste de La République En Marche, imagine des projets en lien avec la mairie de Marseille et des écoles hôtelières.

«Rien de concret», rétorque le président de la fondation Helvetia Massilia, Valéry Engelhard. Vendredi, avec le Consul Général de Marseille Claudio Leoncavallo, il prendra le train pour Berne, pour défendre son projet devant le Département fédéral de l’Intérieur.

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