Malgré un avenir incertain, la Suisse reste un pays heureux
Le monde est devenu plus sombre ces derniers temps. Une chose est pourtant restée étonnamment stable: la population suisse est satisfaite de sa vie. En certains endroits, certains craquements se font toutefois sentir dans la société. C'est ce que montre le grand sondage SSR "Comment ça va, la Suisse?" publié jeudi.
Trois fois en trois ans, l’institut de recherche gfs.bern a pris le pouls de la population suisse à travers l’un des plus vastes sondages d’opinion jamais réalisés dans le pays. Plus de 50’000 personnes ont participé à chacune des trois vagues d’enquête, de 2023 à 2025.
L’objectif de la SSR était d’obtenir une image détaillée de la situation des Suissesses et des Suisses. Et le constat est plutôt réjouissant: lors des trois sondages, environ 80% des personnes interrogées se sont déclarées satisfaites de leur vie. Et cela malgré une succession de crises et un monde qui semble parfois sortir de ses gonds.
«La satisfaction élevée qui ressort des trois sondages m’a beaucoup surpris», souligne Urs Bieri, codirecteur de gfs.bern. «Cela montre qu’il existe encore beaucoup de points communs en Suisse.» En se fondant sur les résultats de l’enquête, le politologue décèle trois facteurs principaux qui expliquent le bien-être général de la population:
- deux tiers des personnes interrogées estiment leur situation financière confortable;
- 80% des Suissesses et des Suisses ne craignent pas de perdre leur emploi;
- environ 90% de la population ne s’inquiète guère de sa sécurité personnelle.
Importante insatisfaction dans certaines catégories
Mais ce tableau idyllique ne doit pas cacher les situations moins favorables: une personne sur cinq sort du cadre, et 6% de la population se dit même insatisfaite de son existence. «Ce sont celles et ceux qui peinent à faire face aux prix élevés, qui souffrent de problèmes de santé ou du stress lié aux exigences de performance», analyse Urs Bieri.
Leur nombre est resté stable au cours des trois dernières années, malgré la hausse des prix et des primes d’assurance-maladie. Toutefois, certaines catégories de la population n’échappent pas à une profonde insatisfaction, au premier rang desquels les jeunes et les classes les moins aisées. Chez les plus bas revenus, le taux d’insatisfaits frôle ainsi les 40%.
Des différences apparaissent aussi selon les régions linguistiques. La satisfaction est légèrement plus élevée en Suisse alémanique et dans la partie romanche du pays que dans les régions francophones et italophones. Au Tessin en particulier, les préoccupations liées à la prévoyance vieillesse, à la charge fiscale ou aux primes maladie sont plus marquées qu’ailleurs.
Incertitudes face à l’avenir
Par ailleurs, deux évolutions de l’opinion des Suissesses et des Suisses viennent tempérer le panorama globalement positif et peuvent être considérées comme des signaux d’alerte:
- La vision de l’avenir s’est assombrie. Seule une personne sur cinq pense que les enfants d’aujourd’hui peuvent grandir dans l’insouciance, plus qu’aucune génération avant la leur. En 2023, 32% de la population était d’accord avec cette affirmation.
- Le socle des valeurs communes qui unissent la Suisse s’est affaibli. En 2024, 68% des personnes interrogées estimaient que la majorité des Suissesses et des Suisses partageaient leurs valeurs. Elles ne sont plus que 58% aujourd’hui.
La société suisse gagnée par l’égoïsme?
Pour Urs Bieri, ce sentiment doit «être pris au sérieux». Le codirecteur de l’institut gfs.bern y voit la conséquence d’une polarisation accrue. «Les valeurs communes sont sous pression, insiste-t-il, même si nous sommes encore loin de la situation que connaissent par exemple les États-Unis.»
Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que 84% de la population considère que, depuis quelques années, les gens en Suisse sont devenus plus égoïstes et moins attentifs aux autres. Un diagnostic qui, apparemment, ne vaut que pour les autres et pas pour soi: 80% des personnes sondées affirment se comporter elles-mêmes avec respect dans la vie de tous les jours….
Les résultats du sondage «Comment ça va, la Suisse? » sont basés sur une enquête représentative menée auprès de 55’006 résidentes et résidents suisses, réalisée par l’institut de recherche gfs.bern du 12 mai au 15 juin 2025 sur mandat de la SSR. C’est la troisième fois que cette enquête a été menée, après 2023 et 2024. Par rapport aux deux autres vagues, certaines questions ont été ajoutées, d’autres abandonnées et certaines ont été reformulées, mais la plupart d’entre elles sont identiques.
Comme en 2023 et en 2024, parmi les personnes interrogées figurent 3000 personnes issues d’un panel en ligne de gfs.bern, sélectionnées de manière à créer une image représentative de la population suisse (16 ans et plus). L’échantillon a été stratifié selon la région linguistique et cité en fonction de l’âge et du sexe. Les autres participants ont rempli un questionnaire en ligne. Ils ont été sollicités via les canaux de la SSR et ont décidé eux-mêmes s’ils souhaitaient participer ou non au sondage.
Le questionnaire contenait plusieurs centaines de questions. Afin d’éviter qu’un entretien ne dure plus d’une vingtaine de minutes, gfs.bern n’a pas posé l’ensemble des questions à tous les participants. La marge d’erreur est de +/- 1,8 point de pourcentage.
Traduit de l’allemand par Didier Kottelat
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