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Ce qu’un échec de l’accord-cadre coûterait à la Suisse

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© Keystone / Gaetan Bally

Le groupe de réflexion libéral Avenir Suisse a évalué les retombées économiques d’un échec de l’accord institutionnel entre Berne et Bruxelles. Les perspectives économiques ne sont pas réjouissantes pour la Suisse.

En 2014, des chercheurs bâlois avaient calculé l’impact économique de la suppression des accords bilatéraux entre Berne et Bruxelles. Un risque matérialisé alors par l’initiative «contre l’immigration de masse». Le produit intérieur brut (PIB) aurait chuté de 7,1 %, soit 64 milliards de francs.

Avenir Suisse a tenté de faire un calcul similaire pour l’accord-cadre en question aujourd’hui qui fera bientôt l’objet d’une publication. Grande différence entre le calcul à l’époque (annulation des Bilatérales I) et l’évaluation d’aujourd’hui (non-conclusion de l’accord institutionnel), les traités existants sont toujours en vigueur, mais ils ne seront probablement plus mis à jour, selon Patrick DümmlerLien externe, chercheur chez Avenir Suisse.

La rencontre, ce vendredi, avec la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen n’a pas permis d’atteindre les progrès escomptés pour débloquer l’accord-cadre, a affirmé depuis Bruxelles le président de la Confédération.

Dans le cadre des discussions au niveau technique, la Suisse a fait «des propositions concrètes» sur les trois points litigieux: la protection des salaires, les aides d’État et la directive sur la citoyenneté européenne qui élargit l’accès aux prestations sociales, a souligné Guy Parmelin lors d’un point de presse.

De son côté, le porte-parole de la Commission européenne a déclaré à l’issue de l’entretien qui a duré une heure et demie: «L’échange a été nourri. Il a permis un état des lieux des positions et de donner de la clarté sur les positions politiques de part et d’autre.»

Eric Mamer a également relevé qu’«il n’est pas acceptable de supprimer de l’accord les trois points qui posent problème à la Suisse.

«La porte de l’UE reste ouverte. La partie suisse peut nous recontacter pour poursuivre les négociations, mais je ne veux pas spéculer sur la réussite ou non de la négociation», a-t-il tenu à préciser.

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Sans accord pérenne, les législations actuelles perdraient donc leur valeur à long terme, ce qui se traduirait par de nouvelles barrières commerciales. Par exemple, dit-il, le secteur des technologies médicales, objet d’une nouvelle réglementation européenne dès le mois de mai, s’attend à des coûts annuels supplémentaires de 75 millions de francs suisses. «L’industrie des machines devrait être confrontée à de nouveaux obstacles techniques au commerce à partir de 2023. Si l’on part de coûts comparables à ceux du secteur des technologies médicales, il en résultera des charges annuelles supplémentaires de plus d’un demi-milliard de francs», évalue Patrick Dümmler.

Des secteurs touchés différemment

Toutefois, un échec de l’accord-cadre n’affecterait pas uniformément l’ensemble des branches de l’économie. «Plus un secteur est axé sur le marché intérieur suisse, moins il sera touché, explique Patrick Dümmler. Les services à la personne, par exemple, ne sont guère concernés. Les coupes de cheveux ou de nombreux services de santé doivent être fournis localement, l’absence d’accord-cadre n’aurait donc aucune incidence dans ces domaines.»

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Keystone / Arne Dedert

Sans qu’il soit possible de quantifier précisément les retombées d’une absence d’accord pérenne, le chercheur d’Avenir Suisse pose des jalons:  «Il faut prendre en compte non seulement les coûts liés au franchissement de nouveaux obstacles à l’accès au marché, mais aussi la détérioration de la position concurrentielle.» Le fait qu’aucun nouvel accord de participation au marché ne soit conclu réduirait encore le potentiel de croissance. Par exemple, l’UE ne veut pas conclure un accord sur l’électricité sans un accord-cadre.

Compte tenu du renchérissement des coûts, il est difficile de comprendre, d’un point de vue extérieur, pourquoi la Suisse ne souhaite pas un accord-cadre. «Nous mettons des obstacles sur le chemin de nos propres entreprises», souligne Patrick Dümmler.

Les alternatives, selon Avenir Suisse

Selon ce dernier, ce ne sont pas seulement les coûts qui doivent être discutés, mais aussi les alternatives. La grande question, dit-il, est la suivante: «Comment pouvons-nous compenser l’échec de l’accord-cadre?»

Selon Patrick Dümmler, il existe deux approches principales: une cure de remise en forme de l’économie à domicile, comme Avenir Suisse le réclame depuis longtemps, et des accords économiques globaux avec les pays tiers: «Nous devons accroître la productivité de l’économie nationale. Mais cela ne plaira pas aux petites entreprises et à l’agriculture, car cela implique davantage de concurrence.»

La Suisse cherche depuis longtemps à conclure des accords de libre-échange avec les États-Unis et les pays du Mercosur. Avenir Suisse les voit d’un très bon œil. «Un accord avec les États-Unis déclencherait un effet de croissance. Mais pour cela, il faudrait ouvrir le secteur agricole, ce qui constitue une importante pierre d’achoppement en termes de politique intérieure», relève Patrick Dümmler. Les perspectives ne sont donc pas roses.

Quel avenir?

Patrick Dümmler est convaincu que le Conseil fédéral tentera de préserver au mieux les bénéfices des accords bilatéraux. Cependant, le gouvernement n’a pas présenté d’alternatives valables en cas d’abandon de l’accord institutionnel avec Bruxelles.

Il pourrait s’écouler des années avant que la Suisse ne parvienne à un nouvel accord avec l’UE, alors que le cadre bilatéral existant menace de s’effriter.

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